Pianiste de Music-Hall virtuose, Liberace connait une brillante carrière aux États-Unis des années 1950 aux années 1970. Il se produit régulièrement lors de cette décennie à Las Vegas, où il rencontre Scott Thorson, jeune homme qu'il prend sous son aile. La relation entre les deux hommes, ayant trait à la fois à la sexualité, au romantisme, aux gros sous et à la manipulation, va durer plusieurs années, jusqu'à ce que la star se lasse de son bel Adonis, vieillissant, accro aux pilules et à la cocaïne.
Se basant sur le récit qu'en fit plus tard Scott Thorson lui-même, Steven Soderbergh s'est penché sur cette relation tenue cachée à l'époque, Liberace n'ayant jamais reconnu son homosexualité. Lui qui posait toujours un chandelier sur son piano, comme une signature visuelle, laissait dans l'ombre toute une partie de son existence. Le réalisateur a souhaité explorer toutes les facettes de cet homme, qui était peut-être davantage image que musique.
Les décors, les costumes et le maquillage valent à eux seuls le ticket d'entrée. C'est un délire visuel de couleurs, de matières, de clinquant, de surabondance. Il y a de tout, partout et toujours. Le jour est écrasé par le soleil du Nevada et de Californie. La nuit étincelle de strass, de sunlights et de bougies au bord des baignoires à robinets d'or. Les hommes sont à l'image des lieux et des objets, trop et pas assez dans le même mouvement. A la fois très loin de qui ils étaient avant tout ça et de l'image qu'ils ont d'eux même.
On se dit un moment que c'est trop, que Soderbergh doit bien en rajouter un peu, puis on se souvient des tenues d'Elvis, de la Villa Versace à Miami et du visage de Barry Manilow et instinctivement, on comprend que non, que quelque chose en Amérique est réellement comme ça; l'abondance jusqu'à l’écœurement.
Très vite, on comprend aussi que ces deux hommes dans leur palais doré ne peuvent qu'être malheureux. La grande force de Soderbergh est de suivre son sujet sans forcer le trait là où la situation initiale se suffit à elle-même. Il nous montre Liberace et son amant avec la plus parfaite neutralité, ces deux personnages excessifs parlant d'eux-même. Ils sont tour à tour répugnants et touchants. On les déteste, on les plaint et ils nous font rire. Beaucoup rire d'ailleurs, c'est un film vraiment très gai ! Soderbergh évoque à merveille ces stars un peu trash, qui brillent, qui choient et qu'on adore crucifier. La compassion qu'elles inspirent a toujours ses limites: on ne parvient jamais à les aimer pour de vrai, car elles réveillent en nous trop de mauvais instincts, moches mais délicieux, comme la déco de la maison de Liberace.
Michael Douglas, Matt Damon, et Rob Lowe, qui n'ont pas été épargnés question fond de teint, paillettes et brushings aux rouleaux, semblent beaucoup s'amuser et donnent au film un rythme endiablé.
Plus que la séparation à couteaux tirés des deux amants, c'est la mort de Liberace, rattrapé par le SIDA et par l'annonce de sa maladie dans les médias, qui semble sonner la fin de la récréation. La fin d'une époque, insouciante mais aussi froide et clinquante, dont on ne sait trop s'il convient de la regretter.
A cette époque, j'étais toute petite et je regardais l'Amérique dans le poste de télévision. Starsky et Hutch, Les drôles de dames..., ce sont mes premiers souvenirs liés aux États-Unis. Ma vie avec Liberace m'a rappelé cela.