Steven Soderbergh a beau avoir pris sa retraite cinématographique, son nom n’en demeure pas moins sur toutes les lèvres actuellement. Premièrement, car son dernier (télé)film en date et dont il est question aujourd’hui, « Ma vie avec Liberace » (« Behind the Candelabra » en VO), est attendu en ouverture du Festival du cinéma américain de Deauville 2013, après avoir été présenté à Cannes en mai dernier. Secondo, car il développe en ce moment même une série télé très attendue, « The Knick », avec Clive Owen dans le rôle principal.
Produit par la chaîne câblée HBO, avec le soutien de Jerry Weintraub, fidèle collaborateur de Soderbergh, ce téléfilm dramatique, écrit par Richard LaGravenese, d’après la biographie « Behind the Candelabra : My Life with Liberace » de Scott Thorson, est le premier de l’histoire du Festival de Cannes à avoir concouru pour la Palme d’or. Reparti injustement bredouille de la Croisette, « Ma Vie avec Liberace » est aujourd’hui présenté hors compétition officielle à Deauville et sera suivi d’une masterclass du maître.
Synopsis Allociné : Avant Elvis, Elton John et Madonna, il y a eu Liberace : pianiste virtuose, artiste exubérant, bête de scène et des plateaux télévisés. Liberace affectionnait la démesure et cultivait l’excès, sur scène et hors scène. Un jour de l’été 1977, le bel et jeune Scott Thorson pénétra dans sa loge et, malgré la différence d’âge et de milieu social, les deux hommes entamèrent une relation secrète qui allait durer cinq ans. « Ma vie avec Liberace » narre les coulisses de cette relation orageuse, de leur rencontre au Las Vegas Hilton à leur douloureuse rupture publique.
Michael Douglas se serait-il fait chaparder son prix d’interprétation masculine à Cannes ? Probable, car l’acteur, déjà présent dans « Traffic » et « Piégée », autres œuvres de Soderbergh, livre une performance tout bonnement hallucinante, authentique vrai-faux sosie du célèbre pianiste virtuose Liberace, rôle un temps dévolu à Robin Williams (au début des années 2000, avec Philip Kaufman attaché à la réalisation). Matt Damon, qui interprète Scott Thorson, le compagnon amoureux de Liberace, n’est pas en reste cela dit et offre lui aussi une excellente partition en jeune garçon adopté en manque de repère et soumis au monde impitoyable du show business. Le comédien, qui a déjà travaillé à de nombreuses reprises avec Soderbergh (« Ocean’s Eleven », « The Informant », « Syriana », « Che », « Contagion »), est superbement dirigé par ce dernier, et rend compte du côté charnel et sincère de la relation.
« Ma Vie avec Liberace » est une comédie dramatique & romantique particulièrement réussie, portrait d’un personnage freak & chic mondialement reconnu – Liberace comptait parmi les musiciens les mieux payés de la planète – mais finalement si peu connu de son entourage. Avec beaucoup de brio et d’expérience, le caméléon Soderbergh lève aujourd’hui le secret sur cet amour tendre et sincère, n’hésitant pas à se mettre en danger en abordant de manière assez frontale l’homosexualité (pour rappel, le film a été jugé trop « gay » pour une sortie en salles aux Etats-Unis, et Soderbergh, malgré sa notoriété, n’a pas trouvé de distributeur sur le sol américain).
Sur le plan technique, il paraît impératif de saluer l’énorme travail de la chef costumière Ellen Mirojnick qui a réalisé les tenues de « Ma vie avec Liberace » (plus de 60 costumes dans la garde-robe de Damon & Douglas) et celui de Soderbergh directeur de photographie / monteur, crédité sous des pseudonymes, avec une reconstitution admirable des spectacles grandioses de l’époque, ou du cadre géographique dans lequel évoluait le talentueux musicien.
Bilan : Absent du palmarès de Spielberg en mai dernier, « Ma vie avec Liberace » est pourtant un téléfilm de goût et de qualité, noir et kitsch, qui fera certainement parler de lui avec le temps. A voir et à revoir !
Anecdote : Michael Douglas ayant juré abstinence totale au tabac lorsqu’il a appris la rémission de son cancer ORL, le script de « Ma vie avec Liberace » fut remanié de telle sorte à ce que l’on n’aperçoit pas le pianiste fumer, s’octroyant ainsi quelques libertés par rapport à la réalité de l’histoire.