Quand Matt Damon fait la Folle, le public en redemande. Et je me demande si, plus encore que Michael Douglas, ce n'est pas lui, en assurant ce contre-emploi total, qui est le plus époustouflant du film de Steven Soderbergh.
Scott est un jeune bouseux homo (mais pas que); il s'occupe du dressage des chiens utilisés dans les films de Hollywood. Il a été élevé par une famille d'accueil, sa mère en étant incapable, un couple Joe et Rose, aimant et compréhensif. Et quand Scott rencontre Liberace, cette immense vedette -officiellement, l'éternel fiancé de Sonia Henje.... il se trouve plongé dans un monde qu'il ne pouvait même pas imaginer. Notre Cloclo, ses jabots et ses smokings pailletés, c'est petit bras à côté des costumes de scène du brillantissime pianiste. La maison à Las Vegas, grande comme un château, ruisselle du luxe du mauvais goût le plus sûr. Même dans l'intimité, entouré de ses quatre chiens-chiens blancs qui chient partout, ses tenues regorgent de dorures et chacun de ses doigts porte une énorme bague. Scott est embauché comme secrétaire, dans la foulée amant, puis chouchou couvert de cadeaux et de bijoux, décoloré, relooké, transformé par le chirurgien esthétique qui assure à Liberace ses liftings réguliers (il ne peut plus fermer les yeux pour dormir...), gavé de pilules pour maigrir (d'où il va passer à la vraie drogue), le favori n'a plus de vie à lui. Il accompagne l'idole qui arrive sur scène dans une limo dont Scott est le chauffeur en uniforme strass et paillettes....
Le couple a des divergences: Liberace est catholique fervent (mais sans états d'âme: il a vu la sainte Vierge à son chevet au cours d'une grave maladie); Scott a des pudeurs de rosière, il ne veut pas être la fille et les films pornos le font vomir. Mais il s'aiment. Liberace veut l'adopter, le mettre sur son testament, Scott croit à tout. Bien qu'il se sente enfermé, il est amoureux -et jaloux. Le jour où l'impressario (Dan Ackroyd) qui gère aussi le ballet des favoris, lui signifie sa disgrâce, il le prend très mal et ça se finira par un procès, pour récupérer quelques sous de l'héritage envolé.
C'est un peu long, et Soderberg s'est fait plaisir à filmer tous ces excès, toutes ces toilettes, ces fourrures, ces concerts devant un public en délire.... au détriment de l'histoire plus sombre, plus triste (car après tout, c'était la période où tous les gays à Hollywood était décimés par un sida plus ou moins dissimulé, et Liberace n'y a pas échappé). Sous l'histrion, il y avait peut être un être humain avec des problèmes, mais ça, ça n'intéresse pas le réalisateur, pourtant, avec ces deux acteurs là, on aurait sûrement pu faire plus.... qu'un spectacle des Folies Bergères. Plaisant, mais vite vu, vite oublié.