...En regardant l'affiche, on serait tenté de se dire, voilà seulement un remake de la "Cage aux folles", mais nous avons fait confiance à Steven Soderberg, Michael Douglas et Matt Damon !
C'est l'histoire vraie et incroyable de Wladziu Valentino Liberace, le Clayderman américain, star à Las Vegas, qui fut pourtant inconnu chez nous, parce que c'était une star à l'américaine, avec sa démesure, les excès de sa vie et ses goûts, ou plutôt, ses mauvais goûts ! Celui qui a eu l'occasion de voir Las Vegas dans ces années 50-70, peut témoigner de ce kitsch dans ce qu'il y a de pire.
Mais le film raconte surtout une love story entre la star et un jeune homme, Scott Thorson, gay et abandonné, à la recherche d'un père ; il va donc vivre avec cet artiste de 40 ans son ainé, pour devenir son homme à tout faire, en s'abandonnant même physiquement en acceptant la chirurgie esthétique pour arriver à une symbiose parfaite. Thorson, dont les mémoires ont servi pour le film disait : "C'était comme des rapports père-fils, mais il y avait du sexe." Comme un père, Lee veut assurer son avenir et a le projet de l'adopter.
Le film montre une histoire de couple, avec ses disputes, ses crises de jalousie, mais d'un couple gay - on n'en parlait pas encore ouvertement dans ces années-là ; le déclic en Amérique fut la mort de Rock Hudson atteint par le virus du Sida, cette mort est mentionnée dans le film. Et Liberace, malgré tous ses excès, n'a jamais eu le courage de faire son coming-out parce qu'il savait très bien que son public n'était pas prêt à entendre une telle vérité et ne le lui pardonnerait pas. Lee et Scott vivaient comme un vieux couple, mangeant des corn flakes à la maison devant la télé - il y a tant de tendresse dans cette scène, où les deux trouvent trouvent de la chaleur et du réconfort.
Mais comme pour d'autres couples, l'idylle ne va pas durer, et Scott sera éjecté, d'autres Scott vont suivre...
Ce n'est donc pas une comédie même s'il y a quelques scènes drôles, mais une histoire d'amour tragique, extraordinairement bien servi par deux grands acteurs : Michael Douglas en homme vieillissant, égocentrique, libidineux, mégalo, et finalement très touchant à la fin. En posant sa voix et avec une diction maniérée, il trouve un équilibre pour ne pas tomber dans la caricature facile. Certainement ce rôle représentait bien davantage pour cet acteur sorti d'une grave maladie ; aurait-il accepté ce genre de rôle avant ?
Matt Damon, a eu le courage d'accepter un tel rôle au risque de casser une image de jeune acteur dynamique. Il est parfait en jeune homme perdu et amoureux, qui tombe sous l'emprise des drogues et s'enfonce ainsi dans une lente descente aux enfers, parce qu'il se sent en cage au début et ensuite, parce qu'il sent que son mentor s'est lassé de lui ! Toute sa révolte, sa détresse et sa tendresse sont dans son sûr, les maquilleurs ont du se régaler tant les transformations des acteurs sont parfaitement réalisées. Avec les costumiers, ils se sont tout simplement surpassés, ce qui n'est pas peu dire dans l'univers des studios américains - et en même temps, quelle critique de la chirurgie esthétique !
Soderberg avait dit qu'après Ma vie avec Liberace (Behind the Candelabra, le titre original) il arrêterait. Il aurait donc bouclé la boucle après "Sexe, Vidéo et Mensonges", parce que là aussi c'est presque un huis-clos ? Mais quel dommage si c'était vrai !
Nous ne comprenons vraiment pas, pourquoi ce film - distribué à la télé aux USA - n'a pas reçu le moindre prix à Cannes où pourtant l'homosexualité a été mise à l'honneur et théâtralisée à l’excès à l'occasion de la soirée du Palmarès !