Goya du meilleur film et du meilleur réalisateur (César espagnols), en plus de 4 autres récompenses, Camino fut un évènement cinématographique de l’autre côté des Pyrénées, avant d’aller conquérir les écrans du monde. Beaucoup veulent lui affubler l’étiquette de film « controversé », un étendard pas toujours justifié mais qui peut rapporter gros. Chacun jugera.
Camino est une fillette aux yeux clairs rayonnants, élevée par ses parents dans les principes catholiques stricts de l’Opus Dei. Camino va chaque mercredi à l'atelier de cuisine catho, mais préférerait rejoindre ses amis au cours de théâtre. Cela surtout depuis qu’elle est tombée amoureuse de Jésus, le fils de la pâtissière (un prénom courant en Espagne). Alors que le thème de la pièce de fin d’année doit être déterminé, Camino tombe gravement malade. Un cancer est diagnostiqué, les premières tentatives de guérison échouent. L’atelier théâtre choisit de jouer Cendrillon, Camino voit son audition et son prince charmant s’estomper. Les traitements s’alourdissent, elle est transférée dans un hôpital géré par l'organisation catholique.
La foi solide de la petite fille -et quelques malentendus- enthousiasment les prêtres. Ils persuadent la mère que la maladie de sa fille est une chance, qui va faire d’elle une sainte. La grande sœur de Camino, célibataire consacrée par l'Opus, oscille entre indifférence et émerveillement pour son courage. Le père est beaucoup plus réservé, et voudrait simplement se préoccuper de soulager sa fille, l’entourer d’amour et l’accompagner le plus humainement possible. Camino s’évade dans des rêves fantastiques et caresse des espoirs, nourris des potins de l’école et du club théâtre apportés par sa meilleure amie. Chacun tente de faire face au drame à sa manière, ce qui est parfois dur à accepter.
Il y a certes l’ombre de l’Opus Dei, de la religion fondamentaliste, qui déteint sur la mère et la sœur de Camino, faisant d’elles des personnages souvent choquants, durs face à la maladie de la fillette, excessifs quand ils l’encouragent à être infaillible dans l’épreuve. Le film est inspiré de l’histoire d’Alexia Gonzalez-Barros, à qui le film est dédié. Cette espagnole décédée à l'âge de 14 ans en 1985 pourrait être béatifiée. Sa famille est cependant opposée à tout parallèle et considère le film comme une fiction. On peut le comprendre…
Reste que le film ne se résume pas à des ingrédients polémiques, loin s’en faut. Camino est une œuvre lumineuse grâce à son personnage central, interprété avec une candeur et une force incroyables par Nerea Camacho. Les rêves et cauchemars de la fillette sont les moments de respiration du film, dans lesquels se mêlent dessins animés, effets spéciaux inattendus, scènes inspirées d’une réalité tendrement mélangée et distordue. Ces passages très réussis et astucieusement imbriqués font passer les presque 2h30 de film dans un souffle. Le scénario en forme de montagnes russes (vertigineuses) n’épargne aucune émotion au spectateur. Un tournant violent de l'histoire, alors que Camino est sur le point de mourir, est particulièrement cruel, peut-être superflu.
Bien sûr, le film se veut une critique des excès de la religion. Les hommes en soutane noire sont ici des personnages froids et peu compatissants, obsédés par l’idée de faire de la malade une sainte. Ce parti pris peut agacer. Mais au-delà de ce réquisitoire, et plutôt qu’un récit à valeur documentaire, Camino est un film très subjectif et à prendre comme tel, une réflexion sur la souffrance et l’espérance possible face à la maladie, et surtout un hymne à l’esprit d’enfance.
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