On rentre moins facilement dans le dernier film de Kore-Eda Hirokazu que dans Nobody knows"., tant ce film est délicat, de la dentelle de vie. C’est une famille qui se réunit pour un grand repas. On est à Yokohama, une petite ville toute en escaliers qui dégringolent vers la mer. Une jolie maison, dans un joli quartier. Le grand père est un médecin en retraite qui supporte mal la retraite. La grand mère passe sa vie à cuisiner. Les deux vieux n'ont rien à se dire, se supportent tant bien que mal. Et dans cette maison, il y a une terrible présence en creux: le fils aîné, noyé, alors qu'il aurait du devenir médecin, lui aussi. Au point qu'on continue à inviter ce dadais au physique d'un sumo qui serait raide et balourd, le responsable de la noyade -juste pour le plaisir de le voir mal à l'aise. Extravagante manifestation de sado-masochisme de la part de cette mère! On va au cimetière, un papillon jaune volette sur la route, et à nouveau un papillon jaune entre dans la maison, mais c'est sûrement le même, c'est sûrement l'âme du fils préféré qui les a suivis...Le second fils n'est "que" restaurateur de tableau, et il a eu le mauvais goût d'épouser une veuve chargée de famille (un adorable petit garçon pourtant, qui dans cette atmosphère de deuil larvé, revit à son tour son propre deuil, l'absence de son père biologique). L'atmosphère de cette jolie maison est mortifère. On se promet de revenir plus souvent, d'aller voir un match ensemble, mais on ne le fera pas. On se sépare avec soulagement. Au fond, au delà des sentiments affichés, au delà des sentiments obligés, les grands parents souhaitent -t-ils tant que cela la présence des enfants, avec tout ce travail en plus, les marmots qui font du bruit, et puis le fait qu'on ne se comprend pas? Quant aux enfants, ils étouffent à l'ombre de cet absent -présent. Ce film remue tellement chose en chacun de nous qu'il est impossible de porter sur lui un regard froid de cinéphile. Y courir -évidemment