3sur5 Il n'y a pas de doute, les fans d'Hortefeux vont apprécier. Pauvres cités aux mains de la délinquande juvénile, pauvres quartiers HLM pleins de mères de familles navrées et de membres du 3e âge sans défense. Dans un tel contexte et sans offensive efficace des autorités officielles, qui plus est lorsque vous avez tout perdu (épouse à cause de la déliquescence sénile, ami par la faute de petites frappes), il s'agit de réprimander en laissant ressurgir le vieux loup solitaire en soi.
Cette dimension réside dans Harry Brown, c'est indéniable ; on peut s'arrêter là en le taxant de formellement banal et humainement sordide viligante-movie haineux et anti-jeuniste. Mais ce serait un peu court. Pas si réactionnaire et renfrogné, l'oeuvre ménage le contexte, présente des jeunes mal nés enfermés dans un cercle vicieux. Il ne s'agit pas de s'obnubiler pour les conséquences sans en observer les racines ; toutefois, ce sont bien de jeunes tarés inconscients qui s'agitent à l'écran, des personnages de papier auxquels il manque une sacrée dose d'humanité. C'est une foule plongée dans les ténèbres de la misère et de l'anti-intellectualisme.
Ainsi malgré sa volonté de nuancer, Harry Brown passe largement en-dessous de l'état d'étude sociale sérieuse et pragmatique, qu'il ne semble viser que par pur prétexte. C'est dans le fond plus un film d'exploitation que du cinéma à charge ; dans ses conditions, la qualification de ''pamphlet sécuritaire'', si elle ne s'évapore pas, se trouve partiellement discréditée. Daniel Barber présente un personnage perdant ses repères qui, à l'heure ou il devrait se contenter de radoter, choisit d'écouter son coeur et ses instincts. L'auteur ne cherche pas à lui accorder la raison pour le justifier. Il explore une frustration, sans l'esthétiser ni la dénaturer, avec pour parti-pris une empathie sincère et sincèrement désengagée éthiquement.
Cette vision très noire, sèche et amère, bafouant au passage les aimables notions de Bien, de Mal et de Bienséant est inévitablement, en un sens, attrayante. Elle s'adresse à la part hargneuse de chacun, celle prête à bondir devant l'injustice et l'absurdité subies par les destins fermés, invite à la colère en réaction au désespoir, mais aussi à la tentation de punir (deux façons de refuser que les crimes restent impunis à jamais). C'est un terrain glissant, mais cet Harry Brown maintient l'équilibre. Alors qu'il côtoie avec une complaisance très mesurée la pulsion de mort (celle qui anime les lost mind de service) et perverti la pulsion de vie (elle s'incarne dans la vengeance), c'est par son jusqu'au-boutisme scénaristique qu'Harry Brown échappe au commentaire idéologique.
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