Cité par certains comme le nouveau Orange Mécanique, vous imaginez bien qu'il m'était impossible d'y couper, voir si ressemblance, affiliation il y avait. Bronson est une histoire vraie, enfin basée sur des faits réels, on pouvait s'attendre, craindre même, un bête biopic ennuyeux ou du moins sans intérêt. Le début du film m'a paru confirmer l'hypothèse, rythme saccadé, alterné entre vie de Michael Peterson ( son vrai nom ) et son dialogue direct avec le spectateur en propre narrateur de sa vie. Alternance de scènes violentes, de dialogues surprenants, d'humour noir qui ne fonctionne pas toujours. J'ai commencé à croire à la grosse désillusion, du film super prétentieux, qui pense agir sur les consciences en distribuant du bourrinisme sur de la musique classique, comme Orange Mécanique quoi. Mais en fait cette première demi-heure de mauvais goût n'était que la première étape d'un processus plus ambitieux, le premier mot d'une déclaration d'amour grandiose à l'art et au cinéma. Car oui, Refn est un artiste qui aime ce qu'il fait et qui par la même occasion fait aimer ce qu'il fait. Les allusions très bien senties à Chaplin, au film muet, sont un nœud central du film qui dévoile de véritable prodige de jeux de lumière et de son, au fur et à mesure qu'il dévoile son personnage, le film rend aussi hommage à l'art grec , son théâtre, au travers des masques, de la nudité... Comme dans Orange Mécanique on peut alors faire le rapprochement rapide d'une oxymore entre l'art dans tous ses états et la violence, la barbarie en parfait inverse. Mais il ne s'agit pas de ça dans Bronson, la violence est une forme d'expression artistique primaire et animale, un symptôme horrible de la retenue obligée par la société et ses envies d'ordre, cercle vicieux renfermant la personne libre qui est en nous. Le choix du sujet de Bronson parait alors évident, la prison est le symbole typique de l'enfermement social, et Refn va vouloir y voir et y interpréter aussi un enfermement moral et intime, la symbolique de la liberté à travers l'art est magnifique dans le film, mais celle de l'enfermement sur soi par les institutions les plus isolantes l'est aussi dans leur dimensions tragiques. La liberté ici de Bronson se gagne dans une dernière scène proprement magnifique, un régal visuel et émotionnel, elle s'exprime par l' apogée artistique du prisonnier, qui perd toutes lucidité et retenue dans son moment de grâce euphorique éternelle, le retour à la réalité, brutal, n'est que le revers de la médaille dans une société de la désintégration personnelle au profit de la cohésion ordonnée. Refn donc poursuit son interrogation cinématographique sur la violence avec ici le film le plus paradoxal, le plus poétique tout en étant le plus violent moralement. La violence est ici une sorte de spectacle que veut offrir Michael Peterson aux spectateurs de sa vie, peaufinée, pensée et chorégraphié, un appel du pied certes à Orange Mécanique, mais Bronson vaut par ce qu'il est en lui même et par pour cette consonance kubricienne bien réelle mais qui ne doit pas entrer en compte dans le jugement d'un film si original.