Même s’il est resté dans la mémoire collective grâce à la scène iconique du repas italien (avec ce spaghetti qui entraînera un premier baiser au son de la "Bella note"), "La Belle et le clochard" est souvent oublié lorsqu’on doit citer les classiques Disney que l’on préfère. Et, pour l’avoir revu récemment, il faut reconnaître que ce n’est pas forcément immérité. Le problème principal du film est qu’il date de 1955 et qu’il n’est pas l’adaptation d’un conte. Certes, l’action est censée se dérouler au début du 20e siècle (dans les années 1910) mais il est difficile de ne pas sentir l’atmosphère typique de l’Amérique idéalisée des années 50 qui fait, aujourd’hui, particulièrement datée ! Les grands classiques, pourtant sortis avant, comme "Blanche-Neige et les 7 nains", "Cendrillon" ou "Peter Pan" ne connaissent pas ce genre de problème. Tout, ou presque, fait vieillot dans "La Belle et le clochard", du générique d’intro impersonnelle à la maison pavillonnaire de Jim Chéri et Darling en passant par leur quotidien (le mari travaille alors que la femme l’attend sagement au foyer). Ce côté très passéiste aurait pu, cependant, passer si l’histoire proposée était suffisamment forte. Ce n’est, malheureusement pas le cas puisque l’intrigue manque sérieusement d’enjeux dramatiques et, plus généralement, de substance. Certes, l’arrivée de la tante Sarah et le traitement qu’elle va réserver à Lady ne laisse pas insensible… mais on sait bien que ses maîtres reviendront et mettront fin à son malheur, ce qui n’aide pas à frissonner pour elle (la situation aurait été différente si elle avait été adoptée par la vieille dame). Le film ne bénéficie pas non plus de chansons fantastiques venant transcender l’histoire (tout au plus retiendra-t-on "Bella note" et, dans une moindre mesure, "La Chanson des Siamois"). J’ai, également, été un peu dérouté par la structure du film. En effet, après avoir intronisé Lady comme héroïne du film (en s’intéressant, notamment, à son arrivée dans le foyer, à sa première nuit difficile, à sa place quotidienne auprès de ses maîtres…) et en la traitant sous un aspect plutôt comique, le scénario bouleverse la donne en lui collant dans les pattes un partenaire de jeu… qui s’avère être bien plus intéressant qu’elle et qui va même lui voler son rôle d’élément comique ! Car, l’attraction principale du film, c’est incontestablement le flamboyant Clochard, charismatique, gouailleur, épris de liberté, courageux et, accessoirement, plein d’attention pour ses compagnons et pour la future élue de son cœur. Ces scènes viennent hausser le niveau du dessin animé, tout comme celles (plus rares) des deux amis de Lady, à savoir le so british Jock et le vieux limier César qui s’inscrivent dans la grande tradition Disney du duo de personnages secondaires comiques. Dommage, cependant, que les autres seconds rôles ne soient pas un peu plus développés, notamment la tante Sarah et ses deux chats Si et Am, qui n’ont pas beaucoup de scènes à se mettre sous la dent. De manière générale, le film manque d’intensité et de rythme, ainsi que de scènes marquantes (à l’exception, donc, de la scène du restaurant italien). On peut, cependant, mettre au crédit du film un final un peu plus mouvementé avec, enfin, de véritables enjeux
(le danger symbolisé par le rat, le sacrifice du Clochard, la prise de conscience de Jock et César, la réhabilitation de Lady…)
, à tel point qu’on se demande pourquoi les scénaristes ont condenser en 5 minutes tous la dramaturgie d’un film qui en est, du reste, cruellement privé. "La Belle et le Clochard" n'en demeure pas moins un dessin animé mignon (l'avantage des chiens, c'est qu'ils sont attendrissants) mais il ne peut pas rivaliser, à mon sens, avec les chefs d’œuvre du studio Disney.