Un excellent film de gangsters qu’on retient surtout parce qu’il marque le passage de témoin entre deux génies du cinéma, entre les deux meilleurs acteurs de leur génération respective. D’un coté, Al Pacino, le parrain, le monstre sacré, l’incarnation du grand Tony Montana, une vraie légende et certainement le plus grand acteur des années 80 (avec De Niro évidemment, impossible de les départager…). De l’autre, Johnny Depp, l’acteur le plus doué de son époque, sans aucune comparaison, quelque soit le rôle qu’il tient (Edward aux mains d’argent en est la meilleure preuve). Dans ce film, ils livrent tous deux de grandes performances dans des rôles pourtant très différents. Al Pacino est très crédible en petite frappe, en homme de main sur la fin, épuisé, lassé, il donne une vraie présence, une vraie humanité à son personnage de loser. Alors qu’on s’attendait à le voir dans le rôle de l’homme fort, du meneur de gangs, il apparait fragile, ordinaire, on le voit dans sa vie de tous les jours et il est touchant. Quant à Johnny Depp, il déborde de charisme et sublime son rôle avec cette dualité latente, ses émotions transparaissent à chaque scène, on sent rien qu’en le regardant que la frontière entre le bien et le mal se dérobe au fil du temps et qu’il perd pied. Il est troublant de subtilité, d’intensité, il fait ressentir ses émotions et ses états d’âme face au dilemme qui se présente devant lui : vendre son ami ou ne pas faire son travail. Les scènes où il fume en méditant, où il tourne et retourne le problème, où il doute…sont réellement passionnantes, elles montrent l’étendu de son talent, puiqu'il arrive à nous captiver, à extérioriser ses émotions sans rien dire. Dernière chose concernant les acteurs, il faut absolument voir le film en VO pour profiter pleinement de leurs jeux, pour en apprécier toutes les subtilités…et pour entendre Johnny Depp dire « Forget about it » et en expliquer le sens... Culte !
Concernant l’histoire en elle-même (oui, il faut aussi en parler…), le scénario est intéressant et convaincant, il traite de la mafia, mais d’une manière plus originale et plus sombre qu’à l’accoutumé. Dans ce film, Mike Newell n’étale pas le coté réussite et paillettes des gangs, il en montre plutôt la décadence, les difficultés et insiste sur les codes qui les régissent. Ce film n’est d’ailleurs pas vraiment un policier ou un thriller, mais plutôt un drame puisqu’on se concentre davantage sur la relation entre les deux héros. Le réalisateur choisit, à juste titre, d’insister sur l’évolution de celle-ci, sur la confiance réciproque qui va s’installer, sur les liens de paternité ou tout du moins de fraternité qui vont émerger entre un mafieux et un flic infiltré. Alors oui, ça peut paraitre classique, mais la manière dont le sujet est amené fait qu’on trouve une vraie cohérence au tout, qu’on ne remet pas un instant en cause ce que l’on voit. L’infiltration se fait progressivement, tout comme la métamorphose de Johnny Depp, qui se transforme en vrai mafieux en adoptant l’attitude, le parlé… Magnifique.
En résumé, un film à voir impérativement, une référence du genre, mais surtout un film qui marque la rencontre de deux grands du cinéma : Pacino / Depp. Immense…
Auteur du livre "Guide de Survie du Cinéphile Amateur" (sortie janvier 2019)