Une référence absolue du genre « thriller ». Le cadre de départ inscrit le film dans la plus pure tradition : un classique duo de policiers très différents l’un de l’autre est confronté à une affaire criminelle, et l’un d’entre eux, le plus ancien, qui est à une semaine de son départ en retraite, présente toutes les caractéristiques du personnage du roman / film noir : lucide et désabusé mais intègre et consciencieux. Ensuite, tous les ingrédients sont réunis pour dépasser le canevas du genre.
Le scénario : véritablement diabolique, il est excellent par son idée centrale, par ses développements successifs et par son final exceptionnel (le scénariste aurait mis trois ans pour l’écrire, bravo).
L’ambiance du film : elle est poisseuse, nocturne, triste, angoissante. Fincher et son chef opérateur ont créé un véritable univers visuel glauque et encombré, sur lequel il pleut presque toujours, vision pessimiste d’une métropole occidentale, agressive pour l’œil comme pour l’oreille, perçue comme monstrueuse, et non désignée pour lui donner un caractère universel. A l’inverse, le dénouement, moment de l’éclaircissement, se déroule dans de grands espaces, déshumanisés eux aussi, mais inondés de soleil, rappelant la célèbre scène du désert de « La mort aux trousses ».
Le style de Fincher : rythmé, vif et incisif, avec de nombreux plans inconfortables voire déstabilisants (caméra au ras du sol, contreplongées, …) et expressifs (la mémorable dernière conversation dans la voiture grillagée). Style efficace, mais non démonstratif : le malaise est d’autant plus profond qu’aucun acte violent n’est donné en spectacle, seuls sont montrés les cadavres et racontées les horreurs.
La dimension symbolique : tout en étant scotché face à l’écran pendant plus de deux heures passionnantes, que l’on ne voit pas passer, on ressent, au-delà de l’intrigue, plusieurs dimensions importantes de l’œuvre. La représentation d’une société urbaine contemporaine sans espoirs ni bonheurs simples, et une réflexion sur la place, la nature et les différentes formes du mal : toutes les victimes sont coupables aux yeux de l’assassin (nommé John Doe, l’équivalent de « Monsieur tout le monde » en Français) et ses actes, guidés par une espèce de foi, de conviction, nous renvoient en cela à tant de crimes commis au nom de croyances et d’idéologies dans l’histoire de l’humanité.