Jason Reitman a un gout prononcé pour les métiers peu recommandables. Après son lobbyste pour l'industrie du tabac dans "Thank You for Smoking", il nous fait découvrir un métier que le patron de Ryan présente ainsi : "L'industrie américaine connait une de ses pires période : c'est notre heure de gloire !". Ce métier consiste à utiliser toutes les techniques d'écoute et d'empathie pour annoncer à des employés qu'on n'a jamais vus qu'ils ont une heure pour vider leur bureau, après des années de bons et loyaux services.
Dans ce job, Ryan Bingham excelle. Il est capable de repérer dans un C.V. des cours de cuisine française pris 25 ans plus tôt, et de s'appuyer dessus pour expliquer que ce licenciement sera en réalité une chance, celle de pouvoir démarrer une nouvelle vie et de réaliser ses rêves les plus enfouis. Il est particulièrement fier de son meilleur argiment de bonimenteur : "Tous ceux qui ont bati un empire ou changé le monde ont été assis à votre place". Ce métier existe vraiment, puisque c'est en discutant dans un avion avec un homme qui l'exerçait que Walter Kim, le scénariste, a eu l'idée de cette histoire.
Le film commence par un montage de gros plans d'employés réagissant à l'annonce fatale ; Jason Reitman a passé une petite annonce destinée à des chômeurs, et leur a demandé d'imaginer ceux qui les avaient licenciés à la place de la caméra. C'est dans cette dimension du film qu'il montre le plus de maitrise du langage cinématrographique, comme ce simple plan où Ryan et Natalie arrivent dans une entreprise, et où à leur vue, la secrétaire s'effondre en pleurs, alors que la caméra pannote pour découvrir un open space dévasté par une précédente vague de licenciements.
Un deuxième thème vient se greffer sur la moralité douteuse du métier de Ryan : la vie de nomade de luxe, symbolisée par son rêve d'obtenir la carte platine d'American Airlines, celle qu'on obtient après 10 millions de miles. Quand Ryan rencontre Alex, son double féminin, dans un quelconque Hilton, ils scellent leur complicité en comparant leurs cartes Haut de Gamme, et il coache Natalie en lui expliquant que pour passer les détecteurs dans les aéroports, mieux vaut se placer derrière les Asiatiques, organisés et disciplinés.
Mais le véritable sujet de "In the Air" est expliqué par Jason Reitman : "J'ai fait trois films et à chaque fois, mon inspiration est venu d'une question que je me posais alors à moi-même. Mon premier film questionnait mes opinions politiques. Mon deuxième était en relation avec le fait de devenir moi-même père et donc de devoir grandir. Et le troisième est inspiré par la question la plus importante de toutes : que faire de sa vie, qu'on soit seul ou qu'on ait fondé une famille ? Et avoir tourné In the Air a renforcé mes convictions : la vie est meilleure lorsqu'on est accompagné, même si on croit n'avoir besoin de personne."
Et c'est là où se marque la limite du film, avec une impression bizarre, celle d'une contradiction entre la justesse du propos sur les licenciements et l'exaltation des family values, pilier de l'Amérique conservatrice. Cette même ambigüité m'avait effleuré dans "Juno", avec une lecture pro-life possible. Ici, la morale est très claire : point de salut en dehors de la sainte famille, même si le modèle proposé, celui du couple formé par la soeur et le beauf de Ryan n'est pas vraiment glamour, et ce n'est pas le fait d'être photographié partout aux Etats-Unis comme "le nain dans le film français" qui le rend plus sexy, comparé au poor lonesome Clooney. Roublardise commerciale ou sincérité un poil niaiseuse, Jason Reitman nous laisse plus que dans ses deux premiers films avec un goût d'inachevé par rapport à ce que la première partie de "In the Air" laissait entrevoir.
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