Après deux films plutôt pas mal, une satire gentiment cynique sur le lobbyisme du tabac (Thank You For Smoking) et un teen-movie à la guimauve sur les problèmes de l'accouchement prématuré et de l'avortement (Juno), qui faisaient de Jason Reitman un chroniqueur distant et ironique de son temps parlant de l'actualité avec une légèreté plutôt bienvenue, celui-ci nous revient cette année avec In the Air, adapté d'un roman Richard Kim et un projet sur lequel Reitman travaille depuis 2002.
Ce qui frappe déjà avec ce troisième long-métrage c'est son absence de vrai sujet. Contrairement à Thank You For Smoking et Juno qui se consacraient respectivement au lobbyisme de Big Tobacco et à l'accouchement prématuré et ses conséquences, In the Air semble ne pas avoir de vrai sujet. Oui, car je vous le demande, quel est donc LE sujet de ce film? Le nombre croissant de licenciements? La déshumanisation par le progrès technique (on licencie par internet, on rompt par sms)? La solitude d'un homme qui passe 322 jours de son année en avion, et acquiert ainsi le privilège de boire un verre de champagne avec le pilote moustachu du bord (quelle scène nunuche!)? La nécessité de construire une famille dans un monde en manque de repères?
Le capitalisme? Les amourettes d'un jour ou d'une nuit dans une anonyme chambre d'hôtel? La misanthropie? L'incommunicabilité inhérente à notre époque? Le sens de la vie? In the Air parle de tout et de rien, avec une nonchalance complaisante, et en juxtaposant gentiment les séquences les unes après les autres, sans aucun heurt.
Car c'est bien ça le problème: il n'y a pas de heurt, rien de violent, de provocant, d'osé, rien qui chatouille, rien qui titille, donc rien (ou presque) d'intéressant. Clooney, qui paraît juste sorti du tournage d'une pub supplémentaire pour Nespresso, arbore une nouvelle fois son éternel petit sourire tranquille de beau gosse U.S., et débite sereinement quelques petites réflexions bien sympathiques sur (dans le désordre): le mariage, la vie, les hôtels Hilton, les femmes, le temps qui passe, le nombre d'heures qu'il a passé dans les airs,... Certes, sa présence nous est indéfectiblement agréable (pour qui ne la serait-elle pas?), mais au lieu d'avoir fait un film avec lui qui parle de tout et de rien pendant 1h49, pourquoi ne pas avoir réalisé une pub de Nespresso de deux heures? Cela aurait été pareil et peut-être même mieux.
De fait, avec une façon ultra-désinvolte, ultra-légère et donc ultra-superficielle de blablater sur mille choses, d'évoquer la crise financière, le sens de la vie, et mille choses encore, et un acteur qui se contente de bien porter le costard-cravate et de jouer sur sa carte "Beau Gosse", on est constamment dans le consensuel et le gentillet. Sinon, qu'y a-t-il d'autres dans ce troisième film du fils de Ivan Reitman (qui a probablement inculqué à son fils son sens aigu de la subtilité, voyez-donc son oeuvre: Un Flic à la Maternelle, 6 Jours, 7 Nuits, Ma Super Ex...)? Des plans d'avion, des scènes qui laissent le spectateur au choix indifférent ou avec un sourire niais sur le visage (regardez la scène du mariage de la soeur de Ryan Bingham: c'est bien mignon tout ça mais...), la jolie mais fade Vera Farmiga, l'insipide Anna Kendrick dans un personnage creux comme pas deux (une petite fille modèle...), la trouvaille du portrait des deux jeunes mariés que Ryan photographie devant les villes où il va elle-même piquée de la trouvaille du nain de jardin de Raphaël Poulain dans Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain, ou encore des dialogues qui viennent comme des cheveux dans la soupe ("On est pareils à un vagin près" dit Farmiga à Clooney; le spectateur est sensé réagir comment à ce moment-là? rire? sourire?).
Mais In the Air fait partie du genre de films qu'on a tendance à encenser facilement. Les films qui ne feraient pas de mal à une mouche sont toujours ceux qui sont bien accueillis. Ah! Le consensuel, l'éternel ami du succès! Pour preuve - finissons donc par du chiffre, ça correspond bien à ce film anonyme et froid tout en paraissant être le contraire: signalons donc qu'In the Air a fait un score de 73 765 769 dollars au box-office américain et qu'il a raflé une pléthore de nominations de tout acabit (ainsi qu'une récompense: Golden Globe du scénario; sans blague): aux Screen Actors Guild Awards, Satellite Awards, Detroit Film Critics, Critics Choice Awards, St. Louis Film Critics Awards, Broadcast Film Critics et, évidemment, aux Oscars.