À bien y réfléchir, le sous-genre de la comédie d'horreur est finalement un bon moyen de raviver de vieux mythes de l'effroi ! Apporter une relecture décomplexée et décalée de ces créatures permettent des champs de possibilités créatives bien plus larges, et entre les mains de personnes talentueuses ça peut donner de petites pépites comme ce Zombieland.
Alors évidemment à le comparer avec son homologue Shaun of the Dead il fait un peu pâle figure face à la maestra jouissive d'Edgar Wright : les gags sont plus convenus et se basent bien plus sur des dialogues que sur une mise en scène visant à faire de l'humour visuel qui fait tout le sel non seulement du film mais de la filmographie entière de l'ami Edgar. Il y a moins d'identité chez Ruben Fleischer, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de savoir-faire.
L'alliage comédie romantique et film de zombie était aussi la mécanique de Shaun of the Dead, mais Zombieland prend un contexte et donc une direction différente : plutôt que le début de l'épidémie, on nage ici en plein milieu voire à la fin. L'humanité a déjà été quasiment décimée et le sel de la romance tient en la nécessité de survivre avant tout et les dilemmes que ça implique. Là où Shaun devait sauver son amour dépérissant avec sa dulcinée, Colombus cherche à l'obtenir auprès de la mystérieuse Wichita, seule femme qu'il aura - avec la sœur de cette dernière - la chance de croiser mais qui le poussera à enfreindre certaines de ses règles et qu'il réussira à conquérir comme Shaun récupérera son amour : en poutrant salement du zombie par paquets de douze (j'ai pas pu résister).
Cette dichotomie des personnages fonctionne parfaitement et fait de loin la force du film. La situation a amené 4 personnages avec 4 perceptions différentes de l'épidémie et 4 visions opposées de la survie : Wichita cherche à protéger sa sœur Little Rock qui elle reste attachée au désir d'une vie normale d'antan, Colombus, stéréotype du geek asocial, s'impose des dizaines de règles à suivre à la lettre, et enfin Tallahassee, LA véritable attraction du film qui offre l'occasion à Woody Harrelson de briller dans son rôle de cowboy des temps modernes avide d'alcool et d'Elvis Presley à la recherche du kill de zombie de la semaine et du moindre twinky à s'enfoncer dans le gosier, de loin la figure la plus atypique du quatuor et le binôme parfait au personnage principal.
C'est même assez notable que le film tend à s'attarder davantage sur les petits moments entre ces personnages plutôt que sur l'invasion zombie initialement présentée comme le plot du film, et il a bien raison : le second degré du film influe sur les personnalités sciemment stéréotypées de nos héros, les rendant d'autant plus attachants qu'ils savent porter le film à eux seuls...
(...à une petite mais TRÈS LARGEMENT délectable apparition de Bill Murray dans le rôle de Bill Murray prêt).
Mais là est la limite du film : il a du mal à tenir un propos intéressant. On y revient toujours, mais Shaun of the Dead était brillant car il y avait au-delà de l'esprit parodique un vrai commentaire sur les réels modes de vies aliénant - et donc zombifiant - de notre société, et le rapport porté avec le personnage principal servait une satire à la fois subtile et claire. Ici, c'est juste une fable gentillette (parsemée de décapitations et de massacres en masse, certes) sur l'importance d'apartenir à une famille dans laquelle on se sent en sécurité et de profiter des petites choses. Les niveaux de lectures sont bien moindres et ont vraiment du mal à transcender le propos. Je suis pour le fait de ne pas trop intellectualiser les comédies, que tout ça n'est que chipotage et compagnie, mais pour moi les meilleures comédies sont celles qui savent se servir du rire comme d'une arme, celles qui osent la transgression, la corrosion, et Zombieland reste bien trop sage pour son registre horrifique qui aurait pu lui permettre une plus grande portée satirique. Donc mes 4 étoiles d'apparence bien flatteuses cachent en réalité une petite déception envers ce qui aurait pu être l'un des nouveaux monuments du rire et qui finalement peine à rivaliser avec son grand frère britannique qui lui est arrivé à acquérir ce statut en même temps que son auteur.
Mais en soi ce n'est pas non plus un mal que le film ait quelque part conscience de ses limites et propose un divertissement bien fun. Les détournements des codes du film de zombie sont malins (combien de films de zombie s'embêtent à essayer de forcément expliquer souvent de manière ridicule l'origine obscure du patient zéro alors qu'ici on te fout un mec qui bouffe un burger avarié dans une station-service et vamos) et l'humour est en sa majeure partie très bien dosé (tout le délire autour des règles de Colombus et du kill de zombie de la semaine, c'est le genre de conneries que j'aime, mais surtout le duo Jesse Eisenberg/Woody Harrelson qui marche au-delà de toute espérence). Le format est lui-même adapté à la partie de plaisir proposée : moins d'1h30 pour ne prendre aucun risque à se confronter au pire ennemi des films de divertissement, l'ennui.
Au point où on regretterait presque de ne pas avoir davantage fait durer le plaisir, Zombieland est une comédie comme il se fait de mieux au pays de l'oncle Sam. À la fois inventif sur son matériel de base (qui témoigne d'une vraie compréhension des codes et d'un bon sens de la parodie, exercice Ô combien maudit au cinéma) et explosif dans son humour, voilà un film dont on ne se lassera pas de voir et de revoir avec le même plaisir, seul ou à plusieurs, où l'unique regret notable réside en ce petit quelque chose en moins sur le fond qui aurait pu emporter l'œuvre aux plus hautes strates du rire.