Dave Lizewski, le personnage principal de cette histoire, est un adolescent binoclard et libidineux, fantasmant sur les seins plantureux de sa prof d'anglais alors que celle-ci fait un cours sur Hamlet et consommant outrancièrement les paquets de Kleenex utilisés pour recueillir le sperme de sa masturbation, bref passe-partout, et dont le simple super-pouvoir serait de "passer inaperçu auprès des filles". Outre cela, Lizewski forme la victime idéale pour les voyous de pacotille qui s'amusent régulièrement à l'escroquer. À la maison, le jeune adolescent mange en silence son bol de céréales avec son père, après le décès de la mère, morte d'un anévrisme.
Pour échapper à cette vie morne et ordinaire (même le décès de la mère étant présenté comme un événement banal), il existe une issue: les comics et autres livres de Marvel sur des super-héros hors-normes auxquels le jeune Dave se consacre avec passion. Un jour, il décide de passer au sérieux: il commande par Ebay un costume de super-héros, l'enfile, enlève ses lunettes pour gagner en crédibilité, et décide sans ambages d'aller au secours de la veuve et de l'orphelin, et de combattre l'injustice avec véhémence. Cependant, les premières missions qu'il se fixe restent modestes: comme aller chercher un chat de gouttière perdu, et dont la fiche signalétique traîne sur chaque poteau de la ville. Mais, alors qu'il partait à la rescousse du chat en haut d'un toit, Dave Lizewski alias Kick-Ass devient le témoin d'un combat de rue qui choque sa conscience et ses principes éthiques de super-héros en herbe: trois mastodontes s'acharnent sur une pauvre victime. Sans lésiner, Kick-Ass part à l'aide de la "pauvre victime", et à force de pirouettes et de coups de canne, et sûrement avec l'avantage de l'effet de surprise, Lizewski parvient victorieusement à ses fins. "Merci" lui dit l'homme assommé au sol, alors que les trois adversaires sont partis. Les spectateurs nombreux de la scène filment, ébahis, ce "type déguisé en super-héros en train de se battre"; très rapidement Kick-Ass devient un carton, très fortement médiatisé: on en parle à tous les infos, la vidéo est couronnée d'un franc succès sur YouTube et la page MySpace de Kick-Ass, créée par Kick-Ass, accueille un énorme nombre d'amis et de fans...
Après ce premier épisode, l'intrigue continue, et se charge de nombreuses péripéties rocambolesques. On voit notamment Kick-Ass s'allier avec Hit-Girl et Big Daddy, deux autres timbrés déguisés, eux aussi, en super-héros, et fomentant une vengeance essentiellement à motif personnel contre Frank d'Amico, le méchant de service, parrain de la mafia locale, et grand dealer de drogue.
Après Layer Cake (avec Daniel Craig en agent XXXX) et la parenthèse Stardust, cet ami et producteur de Guy Ritchie (Arnaque, Crimes et Botanique et Snatch), Matthew Vaughn, (re)trouve enfin le haut de l'affiche, avec ce film jouissif, cool et fun, adapté d'une bande-dessinée. Les Cahiers du Cinéma en ont réduit, et de manière quelque peu injuste, la portée, en le définissant, dans leur numéro 655, comme "un film par, pour, et sur des geeks. Car même si Kick-Ass est très riche en références, qu'elles soient explicites (le premier long-métrage de John Woo, les films Sunset Boulevard, American Beauty et Sin City où, comme dans Kick-Ass, il s'agit d'une narration à la première personne en voix off) ou implcites (on pense à Guy Ritchie, l'ami de Vaughn, comme à Tarantino pour la représentation décomplexée de la violence physique à laquelle on assiste; tous les super-héros made in Marvel auxquels on peut sans arrêt penser: Batman, Superman, Iron Man, Spiderman, Catwoman, Dardevil...); cela reste aussi un film qu'on peut apprécier en lui-même, sans pour autant être un féru de comics et de super héros.
Le potentiel comique et divertissement du film est en effet indiscutable: tant les scènes de violence et le traitement décalé auxquelles elles ont droit ici (les ennemis de Frank d'Amico sont passés au micro-onde ou soumis à l'arrachement de doigts; de plus on se bat avec tout dans Kick-Ass: coups de poings, coups de pied, canne de super-héros, pistolet, fusil, fil métallique, Bazooka, prises de catch...), que l'aspect joyeusement politiquement incorrect de l'ensemble du long-métrage (on quand même le droit à une scène de masturbation et à une scène où un père tire une balle sur sa fille pour vérifier la résistance du gilet parbal qu'elle revêt...), ou encore les inserts musicaux sympathiques (la mélodie bien connue de Le Bon, la Brute et le Truand est sifflotée lorsque Hit-Girl, cette fois dans le rôle d'une petite orpheline désespérée, arrive pour trucider ce fameux Frank d'Amico), ou encore la participation enthousiasmante d'un Nicolas Cage, qu'on retrouve encore une fois au sommet en papa dingo, après le chef-d'oeuvre qu'était Bad Lieutenant: Escale à la Nouvelle Orléans provoquent le rire et la distraction du spectateur.
Cependant Kick-Ass a aussi ses points faibles et ses bémols: d'abord des ficelles un peu trop grosses (Lizewski se faisant passer pour homosexuel pour pouvoir s'approcher de celle dont il est amoureux), ensuite le côté un peu grossier d'une mise en scène généralement trop tape-à-l'oeil et trop friande en gros plans maladroits; ou alors gratuitement originale comme le montre le flash-back en bande-dessinée.
Enfin, on peut voir que ce troisième long-métrage de Matthew Vaughn est très ancré dans son époque contemporaine et ainsi très générationnel, notamment par les références très fréquentes à Internet (YouTube, MySpace, Ebay...); ce qui fait sa saveur, mais aussi ses limites. Le film sera sûrement, par certains côtés, périmé dans vingt ou trente ans.