Il n’est plus nouveau au cinéma d’adapter un comic book. Dans ce domaine-là, les superhéros de Marvel et DC prédominent, mais il arrive que parfois, un comic moins populaire se voie gratifier d’une réécriture cinématographique. Kick-Ass, comic ultra-gore, est l’un d’entre eux. Cela dit, faire une bonne adaptation de comic book est similaire à faire un bon film, le but est de réinventer tout en s’inspirant du matériau de base, au risque de froisser quelques fanboys étroits d’esprit. Et l’avantage de Kick-Ass est que derrière ce film, il y du beau monde.
Raconter les aventures d’un héros sans superpouvoirs, graduer l’histoire de telle manière que la responsabilité soit la seule motivation et source d’évolution du héros, voilà quelque chose que le long-métrage fait extrêmement bien. Le quotidien de Dave Lizewski (alias Kick-Ass), adolescent lambda, est amené de façon fluide et abordé avec une légèreté assumée. Ainsi l’entame du film est dénuée d’ampleur tragique comme un récit de superhéros classique. C’est pourtant justement cette légèreté qui servira à accentuer la réalité du mal et à pousser les enjeux du héros à leur maximum en opérant un contraste d’ambiance remarquable. Cet effet se retrouve également sur la manière de raconter l’histoire. Les scènes légères sont assez courtes, vont à l’essentiel, et se différencie des scènes plus longues mais non moins intéressantes, si ce n’est plus percutantes. La progression du personnage en plus d’être clairement séquencée, est suppléée par une voix off qui pour une fois a le mérite de ne pas être redondante et ancre le personnage et son univers dans une atmosphère réaliste. Enfin les dialogues accompagnent les moments de légèreté avec des répliques comiques très bien senties qui se font plus rares lors des moments plus sérieux, mais qui détonnent bien plus fort. Ajoutons à cela le reste des dialogues, point ostentatoires, témoignant d’une écriture inspirée. De ce fait, que cela soit dans la partie dialoguée ou la manière de construire le récit, le duo Jane Goldman/Matthew Vaughn demeure entièrement bénéfique pour le film.
En plus d’avoir des personnages riches, Kick-Ass possède des acteurs très impliqués qui complètent la densité du scénario. Aaron Johnson apporte à la fois cette innocence et cette folie qui font du personnage de Kick-Ass un antihéros héroïque. On aperçoit d’ailleurs l’innocence du personnage de Christopher Mintz-Plasse diminuer au fur et à mesure, ce qui pose bien son antagonisme avec Kick-Ass. Outre cela, les performances de Chloë Grace Moretz et Nicolas Cage (qui joue enfin dans un bon film) sont loin d’être négligeables. Toutefois, celui qui transpire la grandeur et émet cette aura charismatique indéniable permettant de transcender son personnage n’est autre que Mark Strong. Parfait dans le rôle du méchant (comme toujours) il enveloppe ses répliques d’une noirceur bienvenue.
La réalisation de Matthew Vaughn s’apparente à ce qui propulse le film et lui confère sa force si précieuse. On remarque que les images sont légèrement saturées, un poil jaunies, comme pour rappeler la palette de couleur de l’ouvrage originel. Le sang de Kick-Ass, symbole de ses responsabilités éclate alors d’un rouge vif, étant mis en valeur lors d’une scène sublime de sens. Pour le reste, la mise en scène est impressionnante de fluidité et d’efficacité. Travellings rotatifs, zooms et montage méticuleux sont autant d’artifices qui accroissent l’immersion, même si c’est lors des scènes d’action que la caméra exprime des choses avec davantage de virtuosité. La réalisation apparait comme un tourniquet frénétique emportant le spectateur dans l’action.
Ainsi, sporadiques au début, les scènes d’action se rapprochent dans le récit pour mieux pousser nos personnages dans leurs derniers retranchements et mieux justifier les enjeux découlant de leurs motivations. Nous arrivons alors à un dernier acte sous forme de torrent d’action et de puissance maitrisé à la perfection. Et comme si cela ne suffisait pas, le tout est accompagné des compositions magistrales de John Murphy, Henry Jackman, Marius De Vries et Ilan Eshkeri. Quatre compositeurs qui sont arrivés à saisir l’ambiance de chaque scène et à la retranscrire parfaitement dans leurs musiques. Avec deux reprises (Strobe et Big daddy kills), le reste des compositions et autres morceaux (Joan Jett, The Prodigy) la bande originale forme un tout incroyablement brillant, abordant le film d’abord avec légèreté pour finir sur des morceaux qui prennent aux tripes. Cela sublime le grand huit émotionnel de certaines séquences et octroie à Kick-Ass une grandeur l’inscrivant au panthéon cinématographique. D’autant que le film reste touchant au niveau de son message. On ne vente pas le courage niais de la jeunesse et il n’est pas non plus question de la quête initiatique d’un adolescent devenant adulte (comme dans Spider-man par exemple). M. Vaughn et n dressent plus un pamphlet de cette envie folle et insouciante de réprimer l’injustice à travers des actes de pure foi en soi-même. En cela, le film délaisse un peu cette mise en valeur de la peine de mort, ici on réfléchit plus sur les personnages commettant les actes de réprimande que sur les coupables. La profondeur des personnages y gagne incontestablement. De cette façon, Kick-Ass parle du potentiel héroïque de chacun (rappelons que notre héros n’a rien de spécial) comme le font si bien les films Batman de Nolan et nettement moins bien les films Iron Man. Il se place assurément en référence grandiose du traitement du héros.