La filmographie de Frank HENENLOTTER n’est, certes, pas d’une grande richesse sur un plan quantitatif mais le peu de films qu’il a réalisés a marqué son époque. La griffe du réalisateur se caractérise par des films d’horreur mettant le plus souvent en scène des êtres hors normes, difformes voire monstrueux vivant en marge de la société. Les fans se souviennent certainement des frères siamois dans la trilogie des Frères de sang ou encore d’Elmer, l’horrible bestiole qui prend possession du cerveau de son hôte dans Elmer, le remue-méninges.
Dans Sex addict, ce sont également deux personnages d’exception que certains pourraient aussi qualifier de « monstres » qui sont mis en avant. En réalité, ce film est une parodie qui traite, à mon sens, de sujets malgré tout sérieux tels que l’acceptation ou la non-acceptation de la différence, des drogues ou encore du rapport à la sexualité. Le ton emprunté est volontairement léger et le scénario comme les personnages sont carrément improbables. Mais le tout demeure fidèle au ton et au style voulus réalisateur.
Jennifer représente la caricature de la femme nymphomane à l’extrême, à l’appétit sexuel dévorant, sans aucun état d’âme ni aucune morale, entièrement guidée par le désir d’assouvir ses besoins sexuels envahissants (ah oui, j’ai omis de préciser qu’en plus de ses 7 clitoris, Jennifer a un cycle de grossesse accéléré qui fait qu’en quelques heures à peine après être tombée enceinte, elle accouche de bébés monstrueux qu’elle jette à la poubelle sans le moindre scrupule). Au passage, vous l’aurez compris, ce film fait voler en éclats quelques sacro saints tabous dans notre société.
A l’inverse, alors que Jennifer assume totalement sa différence et en profite pleinement, Batz, quant à lui, représente la caricature du jeune homme timide et complexé qui n’assume pas ses attributs et en souffre. Malheureusement pour lui, il possède un organe qui se trouve doté d’un esprit propre et qui n’entend pas rester sagement dans son slip. Le sexe de Batz, lorsqu’il se réveille malgré la dose phénoménale de drogues que lui administre quasi quotidiennement le jeune homme devenu lui aussi un vrai camé, prend alors entièrement le contrôle. Batz se trouve en quelque sorte guidé par sa queue qui d’ailleurs finira par en avoir raz-le bol et se séparera de son corps pour prendre vie littéralement. Oui, je sais ça parait complètement fou et surréaliste et ça l’est !
Le point commun entre ces deux êtres reste tout de même leur profonde solitude et leur isolement car il parait évident que la société n’est pas prête à les accueillir. Leur différence les contraint à demeurer cachés, à vivre de manière marginale tout en tentant de s’intégrer malgré tout.
Vous allez me dire mais qu’est-ce que c’est que ce film ? Un porno, une très mauvaise série B, un OVNI ?
A mon avis, rien de tout cela ou peut-être un peu de cela mais aussi d’autres choses. Le réalisateur se veut, à l’instar de ses œuvres précédentes, résolument provocateur, se jouant des tabous et des normes sociales établies. Sur ces points, il y parvient assez bien. Le film ne laissera pas indifférent le spectateur. On aime ou on déteste mais ce qui est certain, c’est que l’on éprouve quelque chose en le visionnant.
En dépit de quelques bonnes trouvailles et scènes « chocs » telles que les accouchements à répétition de Jennifer qui se débarrasse aussitôt de ses répugnantes progénitures dans des lieux glauques et sordides ou encore la pauvre prostituée qui goûte au sexe démesuré de Batz et qui se trouve prise d’un orgasme sans fin, Sex addict est loin d’être un chef d’œuvre. Le film n’échappe malheureusement pas à la caricature avec son lot de nanas plus que dénudées pour ne pas dire carrément à poil. Le final apparaît assez décevant par rapport au côté intriguant et amusant de la première partie du film. A mon sens, Sex addict est victime de son extravagance à outrance et d’un second degré poussé à l’extrême qui finit par agacer et lasser le spectateur.
Dommage car le scénario était pourtant original. Il y aurait eu matière à en faire une œuvre un peu plus fine et profonde (sans jeu de mot) que ce métrage qui reste certes dans l’esprit des films d’HENENLOTTER mais avec un peu moins de fougue que les œuvres qu’il a pu réaliser dans les années 80.