La France et les survivals, voilà deux termes qui ne sonnent pas vraiment bien l'un à coté de l'autre. L'échec cuisant de l'une des dernières expérimentations du survival français, ce si navrant Humains, nous ramenait désespérément à ressasser l'horrible réputation trainée par l'horreur à la française. Notre cher pays natal est souvent apparu comme le vilain petit canard du cinéma de genre, jusqu'à ce que des oeuvres supérieures à la moyenne bouleversent quelques peu les préjugés : Ils, A l'Intérieur, Haute-Tension, et plus récemment, Vertige. Un survival plongé dans la nature et tourné dans les Alpes, c'est le challenge que s'est donné Abel Ferry pour sa toute première réalisation. Un budget minime, des moyens techniques limités et un tournage en temps très réduit, autant d'obstacles rencontrés par le cinéaste qui à notre plus grande surprise, ne se devinent pas le moins du monde lors de la vision du film. En réalité, dés les premières séquences du métrage, c'est de loin son esthétique qui est la plus bluffante. Vertige nous emmène au beau milieu de la montagne, aux côtés d'un petit groupe d'amis avides de sensations fortes qui se retrouvent à l'occasion d'un périlleux trekking sur les parois rocheuses d'une via ferrata. Le film se divise en deux parties distinctes, s'orientant chacune vers des styles assez différents, et mélangeant les genres plutôt intelligemment. La première demi-heure se concentre en effet sur l'ascension de la montagne, et nous donne par ailleurs l'occasion de découvrir nos cinq protagonistes, tant leurs relations que leurs personnalités dont certaines s'avèreront cruciales pour la suite du métrage. On ne peut qu'être stupéfaits par l'énorme travail d'Abel Ferry qui nous délivre dans cette première partie des plans et des prises de vue à couper le souffle, et pour cause : pas la moindre trace d'effets spéciaux à l'écran, la caméra suit les acteurs à même la montagne, une véritable performance d'interprétation pour laquelle tous se révèlent à la hauteur. Et c'est en grande partie cette réelle plongée dans le vide qui donne à Vertige cet immense souffle de réalisme : les séquences-chocs s'enchaînent et jouent parfaitement bien avec notre adrénaline de spectateur, le paysage paradisiaque à l'origine se transforme en un ennemi à part entière, des cordes lâchent, des passerelles s'effondrent ; le vide devient de plus en plus menaçant et nos nerfs sont mis à rude épreuve.C'est donc un exercice de haute-voltige totalement réussi qui laisse place à l'horreur, cette fois au sens beaucoup plus commun du terme. Si la seconde partie de Vertige devient beaucoup plus académique et par conséquent moins surprenante, elle n'est pas moins aboutie pour autant. L'ennemi naturel laisse place à une nouvelle menace dont le premier élément déclencheur fais l'objet de l'une des scènes les plus éprouvantes du film, et surtout l'une des moins attendues pendant laquelle on prends conscience en même temps que les personnages de l'horreur de la situation. La bande-sonore du film joue d'ailleurs un rôle particulièrement important dans certains passages et elle-seule suffit largement à nous mettre mal à l'aise. L'enfer continue donc dans une dimension différente mais peut-être encore plus poignante, les acteurs se dépassent littéralement, difficile notamment de ne pas penser à Fanny Valette, particulièrement inspirée et investie dans son personnage, qui finira d'ailleurs les quelques dernières minutes de film méconnaissable. Et puis, il y a notre tortionnaire. Sa véritable histoire n'est clairement pas assez approfondie dans le film et c'est bien dommage, mais son charisme et sa présence physique fait tout son effet. A ce titre, les maquillages s'avèrent d'ailleurs horriblement réussis. Le plus surprenant concernant ce dernier reste tout de même le fait que l'on se surprenne à compatir pour ce personnage, en ayant pourtant si peu d'informations sur lui, les rôles de victimes et de monstres s'inversent presque pendant le final violent et radical, sans jamais tomber dans le gore et la surenchère pour autant. C'est un sentiment étrange que l'on ne ressent pas souvent pour les boogeymens et autres tueurs de films de genre, et il ne fait qu'accentuer cette sensation de film d'horreur humain auquel l'on vient d'assister. Vertige exploite donc différentes peurs en mélangeant les styles, et force est de constater qu'il s'en tire avec les honneurs. Un film d'horreur plus captivant que la moyenne, d'une efficacité qui ne nous laisse pas indemne. Pour une première oeuvre, Abel Ferry a bel et bien marqué le cinéma horrifique français à son tour.