Introduction :
La boxe a eu son lot de films référentiels (Raging Bull, Rocky, The Fighter...), le catch a lui aussi reçu un véritable honneur en la personne de Darren Aronofsky grâce à The Wrestler et jusqu’ici l’univers du MMA a toujours été mis en avant au travers de nombreuses séries Z ou de simples directo DVDs. WARRIOR a malheureusement la lourde tâche de s’immiscer entre ces différents chefs-d'œuvres cités plus haut, d’un genre déjà pressé par le cinéma hollywoodien jusqu’à la dernière goutte. Et c’est avec une grande humilité que le réalisateur Gavin O’Connor rend à ce sport toujours peu connu en France, ses premières vraies lettres de noblesse.
Rédemption :
L’utilisation du tournoi de MMA comme prétexte servant de catharsis au cœur du scénario peut effectivement paraître on ne peut plus simple. Seulement derrière cette apparente simplicité le réalisateur prend le pari de construire sa narration en optant pour un rythme très lent où l’exposition des deux personnages principaux s’étend sur quasiment plus d’une heure ! La séquence d’intro somptueuse entre Tom Hardy et Nick Nolte juste avant l’arrivée du titre donne effectivement le ton. Gavin O’Connor démontre par le biais de cette intro l’étendue de son savoir faire, mettre en place un univers, un contexte ainsi que la psychologie de ses personnages en 4min « montre en main ». Jamais le scénario n’enquille une ligne de dialogue de trop ou de moins, certaines personnes pourront effectivement reprocher à WARRIOR un manque d’originalité flagrant déjà par rapport aux différents enjeux scénaristiques ou par rapport aux traitements des personnages qui composent le film. Et à juste titre car oui, le récit de Warrior sent parfois le réchauffé voire « l’archi déjà-vu », oui la trame est banale et sans surprise, mais quels films de sports jusqu’ici ne pâtissent pas des mêmes défauts ? Quels films de sports depuis Million Dollars Baby a su vraiment prendre le spectateur à contre-pied sans que celui-ci n’en devine déjà la fin au bout de 15min ?
Il est tellement difficile de rester de marbre face à ces personnages aux thématiques pourtant riches et universelles et ce, même si elles restent typiquement racontées a travers un point de vue purement Américain une fois de plus. Rocky et Fighter plaçaient leurs personnages dans un contexte social éprouvant et Warrior se retrouve dans le cas présent au sein même de ces « balises » obligatoires servant à dresser le portrait de l’Amérique actuelle (Irak, crise des subprimes). En réalité Warrior ressemblerait plus d’avantage à Rocky (l’arrivée du titre similaire en gros caractère gras lui rend d’ailleurs un bel hommage) déjà parcequ’avant de filmer un contexte, il raconte avant tout une histoire. Gavin O’Connor n’a pas le talent d’un David O Russel, encore moins celui d’un Clint Eastwood ni même d’un Oliver Stone et il le sait. Sur ce terrain le réalisateur n’a donc pas besoin d’avoir les yeux plus gros que le ventre, il part avec une grande humilité, marchant sur les mêmes pas que John G Avildsen et Sylvester Stallone à l’époque de Rocky. Stallone qui encore aujourd’hui revendique haut et fort qu’il n’est pas (encore ?) un bon réalisateur de cinéma mais bien un simple conteur d’histoire qui fait toujours les choses en fonction de son coeur. La vrai force de Warrior réside bien sûr ici et au delà de tout un tas d’aspects purement techniques. Même si la réalisation de Gavin O’Connor reste soignée, le réalisateur de 39ans prend d’avantage le soin de se concentrer sur ses différentes séquences de dialogues. Les acteurs se retrouvant la majeure partie du temps complètement « seuls », nullement aidé par des artifices visant à souligner une quelconque émotion au marqueur. C’est l’autre tour de force du réalisateur qui réside dans sa manière d’amener pléthore d’informations liées au passé des personnages, ou même d’enjeux sous-jacents sans tomber dans la facilité (aucunes scènes liée au trauma de leurs passés ne nous sont dévoilées explicitement).
La direction d’acteur y est forcément aussi pour beaucoup à commencer par Nick Nolte qui joue le rôle du paternel désespérément en quête de pardon. Quelle magnifique composition, toujours sobre et en retenue. Son personnage d’ancien père alcoolique (qui mieux que lui pouvait jouer le rôle ?) qui ne peut que subir et encaisser comme un vieux sac de frappe déchiré de l’intérieur les coups verbaux de ses enfants portés en premier lieu par un Tom Hardy habité, animé d’une haine incommensurable rendent son personnage puissamment dramatique et limite proche de la folie. Les scènes du casino et de la chambre d’hôtel font surement parties des séquences les plus dures psychologiquement et émotionnellement parlantes que l’on ai vu depuis longtemps. C’est surtout à partir d’ici que WARRIOR révèle tout ce qu’il a dans les tripes, et sur le cœur. On ne devient plus spectateur mais « voyeur » où témoin de ce combat d’une vie que seuls la portées des coups semblent pour ces personnages, la seule issue possible jusqu’à un uppercut salvateur qui nous couche littéralement au tapis. Sur les derniers mots de Brendan à son frère incarné par Joel Edgerton, le rythme imposé par le réalisateur prend ici son véritable envol et trouve une cohérence parfaite.
Conclusion :
A tous ceux qui pensent venir y chercher de la castagne sachez que vous serez obligatoirement déçu. Warrior « boxe » bien dans une autre catégorie et il faut bien au film plus d’une bonne heure avant de voir le premier combat dans la cage. Gavin O’Connor prend le temps et il a raison. Jouant presque constamment des non-dits et des silences qui viennent sans cesse alimenter mais jamais alourdir, la dramaturgie de son récit. Néanmoins, il est bien évident que le métrage divisera sans nul doute son public. Les cinéphiles et spectateurs disons, « habitués » au genre ne prendront surement pas le même plaisir que ceux qui se sentent un peu plus concernés par le sujet et les thématiques que souhaite aborder le réalisateur. Warrior est certes bien loin d’être un film complètement abouti, mais sa sincérité qui suinte de toute sa pélloche suffira justement à masquer ses ficelles cousues de fils blancs pour ainsi retrouver le plaisir d’un cinéma « simple ». Simplement du vrai cinéma.
Rédigé par Vincent N.Van