Cette série B du studio RKO, produite par Val Lewton (La féline, Vaudou, L'homme-léopard), porte un titre trompeur. Aucun fantôme dans ce film, ni même de fantastique, mais une réflexion pénétrante sur l'autorité, sur l'isolement et la pression psychologique qu'entraîne son exercice.
L'autorité est ici incarnée par le capitaine de l'Altaïre, Will Stone, subtilement interprété par un Richard Dix littéralement habité par son personnage. Ployant sous le poids de son commandement, de ses responsabilités, on le voit insensiblement perdre contact avec le réel, s'enfoncer dans la psychose. L'évocation de son basculement dans la folie préfigure celle de Jack Torrance dans Shining, trente-sept ans plus tard...
Le vaisseau fantôme fut réalisé avec un budget très modeste. Pour autant, son auteur, Mark Robson, n'en néglige pas la dimension artistique. Avec son chef opérateur, l'injustement méconnu Nicholas Musuraca (L'inconnu du troisième étage, La féline), il compose une photographie expressionniste très soignée, éminemment symbolique des tourments du héros. Il fait par ailleurs preuve d'un sens du rythme - sans doute lié à sa formation de monteur - dont pourraient s'inspirer nombre de cinéastes d'aujourd'hui, qui se sentent obligés d'étirer leurs scénarios au-delà du raisonnable - pour ne pas dire de l'ennui !
Concernant le casting, on retiendra encore l’énigmatique prestation de Skelton Knaggs, en marin muet, un acteur fabuleux dont le visage si particulier hanta pas mal de films plus ou moins horrifiques des années 1930-50.
Le vaisseau fantôme fait donc partie de ces nombreuses pépites de la RKO que les Éditions Montparnasse nous ont permis de redécouvrir en DVD, il y a quelques années.