Pour réaliser un film d'horreur de la trempe de 'Evil dead', il faut être un fou furieux qui a la conscience d'être un fou furieux. Quand il réalise son chef-d'oeuvre en 1981, Sam Raimi suit de près les cinéastes qui ont balisé l'horreur moderne (Tobe Hooper avec 'Massacre à la tronçonneuse', George Romero avec 'Zombie', Wes Craven avec 'La Colline a des Yeux', Dario Argento avec 'Inferno', John Carpenter avec 'La Nuit des masques', tous réalisés entre 1975 et 1980). Le réécrire aujourd'hui, c'était prendre des risques immenses. C'était risquer, tout d'abord, de réaliser un pastiche plutôt qu'un vrai film - ou bien se noyer complètement dans l'ombre de Raimi et manquer son occasion d'exister ; c'était risquer, aussi, de n'être qu'un copiste parmi tant d'autres, tant il apparaît que les remakes d'aujourd'hui, si nombreux qu'ils trahissent une panne d'inspiration du genre, ne sont souvent que de pâles imitations ; c'était risquer, enfin, de s'attirer les foudres des aficionados du grand Sam, et avec eux ceux des films d'horreur d'hier, de l'époque bénie où les maquilleurs étaient les vraies stars du gore et où les cinéastes avaient de l'imagination et de la rage à revendre. Eh bien, le moins que l'on puisse dire, c'est que Fede Alvarez s'en tire de façon brillante.
Avec une entrée en matière originale, qui prend ses distances avec le 'Evil Dead' original pour mieux le rejoindre ensuite, Alvarez montre que c'est bien SON film à lui qu'il veut tourner. Ce qu'il reprend de Sam Raimi est repris avec intelligence : les séquences les plus marquantes de l'original s'inscrivent dans un nouveau schéma narratif, si bien que le film se ménage l'occasion de créer de nouvelles surprises, d'autant plus savoureuses qu'elles n'éclipsent pas l'hommage visuel et sensoriel, pourrait-on dire, au chef-d'oeuvre de départ. La bande sonore est fidèle au modèle, et la mise en scène aussi : là aussi, Alvarez fait preuve d'intelligence en préférant les effets spéciaux "à l'ancienne" aux effets numériques que d'autres surexploitent de manière souvent urticante. Même si le final se cherche un peu (comme si le film hésitait entre plusieurs dénouements), et un Shiloh Fernandez (David) un peu moins convainquant que les autres acteurs (les personnages féminins sont merveilleux, en particulier Jane Levy et Jessica Lucas), ce nouvel 'Evil dead' est une réalisation touchée par la grâce, et il n'est pas si fréquent qu'un film de référence inspire un remake qui devient aussitôt lui-même une référence. Un ange noir s'est penché sur le berceau de ce film authentique et sincère, cet ange qui avait déjà touché de son aile 'La Colline a des Yeux' d'Alexandre Aja en 2005 et le 'Massacre à la tronçonneuse : le commencement' de Jonathan Liebesman en 2007.