La mode a beau être, depuis des années, aux remakes en tout genre (et plus particulièrement aux remakes de films d’horreur), l’annonce de la mise en chantier d’un nouvel "Evil Dead" apparaissait comme particulièrement étonnante et, surtout, risquée au vu de la place qu’occupe la trilogie de Sam Raimi dans les cœurs des geeks (que je trouve franchement disproportionnée d'ailleurs) et du statut d’icône de la pop culture nerd de son personnage central Ash Williams (interprété par Bruce Campbell). Et il faut croire que les scénaristes ont pleinement eu conscience de ce risque puisqu’ils ont fait le choix, assez draconien, de débarrasser la version 2013 de ce brave Ash et, accessoirement, de toute trace d’humour et autre second degré (qui faisaient pourtant le sel de la trilogie originale ou, à tout le moins, du deuxième et troisième opus). Malheureusement, ces coupes, honorables en soi puisqu’elles démontraient une volonté de prendre une certaine distance avec le modèle, n’ont pas été compensées par une quelconque originalité scénaristique, bien au contraire. Résultat ? On se retrouve devant une intrigue tout ce qu’il y a de plus basique (avec l’inévitable bande de potes isolés dans une cabane perdue aux fonds des bois… soit un coin où on passerait pas forcément le week-end !), pour ne pas dire un peu ridicule (l’excuse à deux balles du sevrage de la petite sœur camée pour justifier l’isolement et le refus de partir !). Une fois encore, les scénaristes (pour ne pas dire les producteurs) ont visiblement eu conscience de la vacuité de ce scénario puisqu’il tente de la faire oublier par une surenchère d’effet gore, censés nous remuer dans nos fauteuils. La quantité d’hémoglobine déversée est donc explosée, on immole, on démembre à foison, on coupe des langues au cutter… bref, on espère choquer visuellement à défaut de secouer durablement le spectateur. L'affiche promettait, d'ailleurs, "l’expérience cinématographique la plus terrifiante". Mais force et de constater que, après la mode du torn-porn façon "Saw" et "Hostel", il n’y a plus grand-chose qui choque le public en matière d’horreur se voulant "divertissante", surtout dans les films de possession où, pour peu qu’on n’ait pas forcément peur des esprits, le pouvoir d’immersion est moindre. Dès lors, que reste-t-il de cet "Evil Dead" ? Pas grand-chose en fait… Une intrigue bas de plafond, donc, mais également, une scène d’introduction qu’on peine à comprendre
(pourquoi procéder à l’immolation dans le sous-sol de cette cabane ? qui sont les personnages défigurés ?)
, une mise en scène sans génie, les habituelles effets outranciers dès qu’on parle de démon (la dégradation physique avec yeux exorbitée, la voix ridicule, la vulgarité gratuite, le vomi…) ou encore une galerie de personnages sans saveur auxquels on ne parvient pas à s’attacher et dont on se fout totalement du sort.
Même l’intention visible de faire dans la métaphore initiatique en épargnant uniquement la jeune droguée (campée par Jane Levy) au prix d’un dur combat fait sourire tant elle est prévisible
. Le film n’est donc pas tant raté que sans grand intérêt… au point qu’on peut légitimement se demander pourquoi les producteurs ont jugés utile de l’appeler "Evil Dead" ? Certes, on retrouve une intrigue similaire au premier film de Sam Raimi (à base de cabane au fond des bois et d'esprit rodant) et la reprise de plusieurs scènes iconiques, telles que
la possédée qui s'exprime à ses futures victimes du fond de sa cave, le plan de la main qui sort de terre ou encore le Necronomicon (le fameux livre relié en peau humaine et écrit avec du sang… tout un programme) qui est, ici, grossièrement utilisé (pourquoi lire ce livre à haute voix, surtout dans un film aussi premier degré ?!)
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On a même droit au cameo furtif (et incompréhensible) de Ash en toute fin de générique final !
Mais, privé du second degré et de l'absurdité cartoonesque de la saga, le film ressemble à n'importe quel autre film d'horreur à base d'ados isolé, sans grande saveur. La même faute avait été commise par le remake de "Freddy" qui, à trop se prendre au sérieux, s'était outrageusement planté. "Evil Dead" version 2013 est, donc, un film sans caractère qui, dans l’absolu, aurait pu être considéré comme "passable" s’il n’avait pas tenté de s’attirer les faveurs d’un public de connaisseurs en utilisant abusivement un titre connu !