La folie des remakes de films de genre a finit par gagner l'une des oeuvres les plus mythiques de Sam Raimi, Evil Dead. Malgré quelques déceptions à leur actif - Vendredi 13, Meurtre à la Saint-Valentin, La Maison de Cire, La Malédiction - largement compensées par de brillantes réussites - Massacre à la Tronçonneuse, Willard, La Colline a des Yeux, La Dernière Maison Sur La Gauche - , les cinéastes horrifiques modernes prennent un plaisir cruel mais évident à remettre au gout du jour des oeuvres qui prennent peu à peu la poussière au fil des années. Si certains films originaux vieillissent plutôt bien et n'appellent pas de remasterisation particulière, d'autres justifient davantage une totale refonte. C'est le cas d'Evil Dead, n'en déplaise aux plus conservateurs. Grand classique de l'épouvante, incontesté et incontestable pour beaucoup, certes, mais force est de constater que le film a eu le temps de perdre en trois décennies la quasi-totalité de l'impact qu'il devait certainement avoir à sa sortie. Car oui, Evil Dead premier du nom ne fait absolument plus peur, difficile de le nier sans mauvaise foi. Et même si le critère de l'angoisse au sens propre reste totalement abstrait car très personnel, on peut dire objectivement qu'il n'impressionne plus, la faute à un style trop spécial pour faire l'unanimité, et encore moins trente ans après. Le remake du film de Sam Raimi reprends très fidèlement l'univers de son prédécesseur, de cette vieille cabane peu accueillante perdue au beau milieu des bois, ce décor glauque et anxiogène, à cette atmosphère insidieuse et déjà morbide au bout de quelques minutes de métrage seulement. En se permettant toutefois quelques libertés, on retrouve une bonne partie des ingrédients du succès de l'oeuvre originelle. Si le très maigre budget de cette dernière, ses effets déjà cheap et sa photographie relativement hideuse lui donnaient tout son " charme " , c'est paradoxalement la beauté bluffante du remake qui fait définitivement pencher la balance. L'horreur esthétique existe, en voilà la preuve parfaite. Et c'est cette photographie splendide, ces plans hallucinants qui nous collent littéralement à notre siège - La cultissime scène de la caméra subjective qui se faufile entre les arbres y est d'ailleurs merveilleusement retranscrite et s'avère toujours aussi dérangeante, on se retrouve symboliquement du côté obscur de la force, et le malaise qui se crée dés lors ne nous lâche plus jusqu'à la fin du film - , autant de passages aussi brillants techniquement parlant qu'efficaces sur nos nerfs qui font de ce remake une très belle réussite. Le cinéaste semble par conséquent avoir accordé une importance toute particulière à sa pellicule, cette volonté d'esthétisme et de tenue, qui transparait même dans sa manière d'introduire et de clore le métrage par une réjouissante apparition du titre qui enthousiasmera sans aucun doute les plus fervents adorateurs du genre. Le logo d'Evil Dead qui apparait au beau milieu d'un écran noir, en immense police rouge sang, et sur un bruit monstrueux, ça en jette. Mais cette réadaptation s'avère également et superbement viscérale, et c'est le moins que l'on puisse dire. Oublions l'hors-champs et la suggestion, nos petits yeux de spectateurs sensibles ne sont pas le moins du monde épargnés, c'est en véritable bain de sang que le film s'achève, reposant enfin nos yeux, nos oreilles, et notre estomac du joyeux festival des horreurs auquel ils viennent d'assister. Et comme un film d'horreur tient en grande partie sur l'intérêt que l'on porte à ses personnages, ce dernier n'échappe pas à la règle, et nous offre une panoplie de protagonistes presque aussi volontairement clichés qu'attachants. Un casting plutôt appréciable lorsque l'on repense aux insupportables cris d'hystérie des héroïnes de l'oeuvre précédente, nous rappelant à quel point le cinéma de genre évolue bien à ce niveau-là. L'oeuvre de Fede Alvarez est donc bien loin de l'esprit presque amateur mais totalement assumé du premier volet, et met à profit les nouvelles technologies mais surtout le talent évident du cinéaste, pourtant tout droit sorti de nulle part, derrière sa caméra. Fede Alvarez succède avec brio aux quelques Aja, Nispel et Illiadis s'étant risqués à la délicate expérience du remake horrifique, et s'en tire avec autant d'honneur, une réussite d'autant plus remarquable pour une première réalisation. Evil Dead second du nom n'est ni plus ni moins que le spectacle macabre de ce début d'année, un remake respirant l'amour et la passion dévorante pour le cinéma d'épouvante-horreur, visiblement loin, très loin de s'épuiser. Rarement esthétique visuelle et horreur pure n'auront été aussi bien alliés. On en ressort donc autant conquis qu'horrifiés, en espérant que notre chère Chloé Moretz dans la peau de Carrie White nous fasse le même effet dans quelques semaines.