Avouez-le, vous aussi quand vous avez entendu dire qu'un remake d'un film aussi culte que Evil Dead allait se faire vous avez eu peur, vous avez hurlé au scandale, vous êtes sortis dans la rue pour tuer des chatons innocents afin d'expulser votre haine envers ses sales producteurs d'Hollywood qui massacrent des films cultes pour se remplir les poches, et vous avez juré sur votre édition collector ultime rare et unique du Nécronomicon du premier film de Sam Raimi, dédicacée par Bruce Campbell, encore sous cellophane, et rangée dans une salle à température ambiante, que jamais, au grand jamais, vous n'iriez voir ce film. Puis votre curiosité a pris le dessus, vous avez vu la bande-annonce, et soudain ta-dam vous êtes dans la salle de cinéma et vous découvrez Evil Dead, version 2013, soit le renouveau du film d'horreur. Réussir le remake d'un film, et même le remake d'un film culte, c'est possible. Fede Alvarez a bien compris que le but, et le principe, du remake c'est pas de faire mieux que l'original, et ce n'est pas juste apporter une nouvelle vision de celui-ci. Faire un remake de qualité, c'est réussir à réinventer l'histoire dont on s'inspire, sans la dénigrer, et en y apportant une touche fraîche et personnelle pour que la tentative ne soit pas vaine et le film intéressant à redécouvrir. Et c'est exactement ce qui se passe ici, Fede Alvarez créant son propre univers, ses propres personnages, autour du film original, sans jamais vouloir le dépasser ou lui faire une déclaration d'amour aveugle, mais en lui donnant une nouvelle vie. Et premier point sur lequel le film surprend: l'ambiance et l'atmosphère, données dès la scène d'ouverture redoutablement efficace, et qui trempent pleinement dans le domaine de l'insoutenable. On choppe une boule au ventre et on ne s'en débarrasse que lorsqu'on sort de la salle. Tout est fait pour déranger, mettre mal à l'aise, et jouer avec les nerfs du spectateur. La tension est telle que l'on sursaute au moindre mouvement de caméra un peu brusque ou inattendu, au moindre son (si vous avez la chance d'être dans une salle qui n'a pas peur de monter un peu le volume) et même aux quelques jump-scare utilisés avec une efficacité surprenante. En plus de ça, le film est une pure réussite sur le plan visuel. L'esthétique est remarquable, car oui aussi tordue que cette prochaine phrase puisse paraître, le sang dans un film c'est très esthétique, et ici on assiste donc à une véritable poésie macabre dans la composition des plans et leur rendu à l'écran. Evil Dead, premier du nom, c'était aussi un film relativement gore avec des effets spéciaux révolutionnaires pour l'époque, et pour le budget surtout (aujourd'hui ça a vieillit, on le sait, et on n'abordera pas ici le débat sur le côté comique de celui-ci). Alvarez s'est donc dit que ce serait cool de se la jouer old school et de ne pas se prostituer avec des effets spéciaux numériques qui enlèvent tout le côté réaliste du spectacle, pour donner au spectateur le show horrifique qu'il est venu mater, et montrer ce que c'est que la véritable horreur. En effet, niveau charcuterie on est servis bien comme il faut, et les plus sensibles regretterons sans aucun doute le gros big mac qu'ils se sont bouffé avant de venir. Et à nouveau le film va s'amuser avec vous, car à chaque fois que vous vous direz "ça y est c'est enfin fini, on a vu le pire", et que la tension diminuera l'espace de quelques minutes, ainsi que votre vigilance, et bien cela ira encore plus loin, et encore plus loin. La surenchère constante est tout ce qu'il y a de plus jouissif, et le final, tout simplement dantesque, est bien parti pour devenir culte lui aussi tellement il transcende le genre. Du côté du scénario, là par contre y'a des choses à redire. Si pour une fois, et grand bien nous en fasse, les personnages ont une raison valable et crédible d'aller se cloîtrer au fin fond d'une forêt sinistre et abandonnée, dans une cabane en bois rongée par les moisissures et les toiles d'araignées, dans un état d'esprit autre que celui d'aller passer les meilleures vacances de leur vie, on échappe pas à quelques clichés et quelques débilités. De plus, 1h30 c'est court, et il fallait choisir: soit le gore, soit les personnages, et pour le coup il y a un cruel manque d'approfondissement de ceux-ci, le summum étant la blonde écervelée qui doit avoir deux lignes de dialogues à tout péter. Difficile donc pour les acteurs de vraiment entrer dans leurs personnages, et de les rendre attachants. Tous ne sont pas mauvais, Jane Levy étant même carrément possédée (sans mauvais jeu de mot) par son rôle (c'est Bruce Campbell au féminin, et puis c'est tout), mais on sera loin d'être convaincu par leurs performances. Néanmoins, cette galerie de nouveaux personnages, et cette nouvelle histoire, sont de parfaits hommages qui raviront à la fois les fans de la première heure, et les nouveaux venus assez courageux pour risquer l'expérience, qui se termine d'ailleurs en laissant la porte grande ouverte à une suite, qui doit nécessairement (au sens philosophique du terme, en gros c'est une question de vie ou de mort pour le cinéma de genre) se faire! Car un nouvel univers aussi riche et intéressant que celui qui est présenté dans le film, et qui réinvente totalement la notion d'horreur, doit être développé dans un autre film (en plus Fede a envie de le faire, alors laissez le s'exprimer ce monsieur!). Notre soif de sang est insatiable, sachez le. En conclusion: On l’aura longtemps attendu ce remake d’Evil Dead, on aura eu peur à l’annonce du projet, on aura été rassurés par la bande-annonce, et on aura de nouveau eu peur… dans la salle de cinéma! Car ce Evil Dead nouvelle version possède une atmosphère et une tension absolument insoutenables, qui prennent tellement aux tripes que vous pouvez vous attendre à sursauter au moindre mouvement de caméra, au moindre son, au moindre événement. C’est là toute la réussite du film, celle de déranger le spectateur, faire qu’il ne soit jamais à l’aise et qu’il se souvienne du spectacle. Et quel spectacle! Appréciable car ne s’enfermant pas dans la facilité des effets spéciaux numériques, pour un rendu des plus réalistes, et mémorable car repoussant les limites de l’horreur à un niveau que l’on n'avait presque jamais atteint, ou en tout cas pas récemment. En plus de cela, le film est une véritable réussite visuelle, avec une esthétique macabre mais sublime, et ne perdant jamais de vu l’oeuvre originale dont il s’inspire. Une réinvention pour la saga, un renouveau pour le cinéma d’horreur, et une réussite cinématographique. Bien joué Mr Fede Alvarez!