José Padilha, réalisateur brésilien, l’homme derrière Tropa de Elite, entre par la grande porte sur sol hollywoodien pour réaliser le remake du classique de 1988, s’il en est, de Paul Verhoeven, à savoir le flic de fer blanc, Robocop. Cinéaste brésilien donc, pour le remake du film d’un néerlandais, avec des acteurs américains, britanniques et bien entendu, pour l’un d’entre eux, suédois. Peu importe la dimension internationale de l’œuvre, en générale, ici le couperet tombe. Si José Padilha est aux commandes, pour la forme, le film est principalement l’œuvre du studio, de Columbia Pictures, soit Sony Entertainment. Les conflits ayant justement opposés le studio et l’équipe artistique, le réalisateur en tête, sont dès lors affichés. Voilà un film popcorn tous publics, descendant illégitime d’un semi-classique de la SF d’anticipation. Décidément, l’association des œuvres de Paul Verhoeven et du concept remake est vouée à l’échec, référence faite à l’imbuvable nouveau Total Recall de l’incapable Len Wiseman.
Si, fondamentalement, Robocop version 2014 n’est pas catastrophique, en raison principalement de son casting secondaire, il n’en reste pas moins très décevant. Alors que Verhoeven livrait en 88 un film épuré, dénué de sentimentalisme et surtout, d’une rare violence, l’exercice de la firme Sony s’attache d’avantage la psychologie. Chez le cinéaste néerlandais, le flic d’acier était un cadavre dans une machine, un projet sans attache, un guerrier. Chez Sony, Alex Murphy est un papa, un mari et un policier moral. Difficile donc d’apprécier un Robocop en armure, sensiblement plus proche de celle de Batman que de l’originale, dans le séjour de la maison familiale en train de parler hockey sur glace avec son rejeton et lécher le museau de madame. Incohérant en rapport à l’œuvre jalon, le film de José Padilha, qui doit s’en mordre un peu les doigts, est le modèle niais de l’œuvre de Verhoeven. Que cela soit dit.
Sur ce fait, difficile d’apprécier la mutation du flic en machine, alors que le scénario s’efforce d’écraser toute mauvaise pensée, la morale nihiliste du film de Verhoeven. Qui plus est, Joel Kinnamen, que l’on avait apprécié en suède dans la peau d’un truand chez Daniel Espinosa, est tout simplement mauvais. L’acteur n’est qu’un personnage prétexte, l’archétype de bon flic bon père, du type réglo malmené, très malmené. Heureusement, fort heureusement même, le film ne sombre pas dans la totale banqueroute en raison de la présence de quelques seconds couteaux très habiles. Je pense là principalement à Gary Oldman, toujours impeccable, quelque soit sa tâche. Deux autres vieux roublards viennent mettre un peu d’ambiance, Michael Keaton en anti Bruce Wayne, la métaphore est amusante, et Samuel L. Jackson en commentateur de Show TV complètement névrosé. Si les interprétations de chacun sont inégales, ces quelques seconds rôles viennent au moins éviter le faillite.
Même pas spectaculaire, quoique, les effets visuels sont relativement timides. Si la réalisation du brésilien est habile, le film manque cruellement d’identité, à l’exception de quelques jolies inspirations. Coté narration, si l’on déplore l’aspect psychologique complètement niais, la problématique industrielle de l’équipement par les machines des villes américaines est relativement bien exploitée. Certes, tout est naïf, tout est simple, trop simple, mais le concept est là, c’est finalement ce qui importe. Le film est donc certes un échec mais il ne peut au moins pas se targuer d’être le pire remake entrevu ces dernières années. Quelques joyeux drilles, incompétents, dont Len Wiseman, ont faits bien pire. 06/20