Projet détesté par toute une communauté de puristes dès son annonce, le remake de "RoboCop" était condamné à se planter au box-office… ce qui n’a pas manqué. Pourtant, il faut reconnaître que le film est loin d’être une catastrophe et qu’il s’avère même surprenant à bien des égards. Tout d’abord, sous ses faux-airs de blockbuster convenu, le scénario est truffé d’excellentes idées, à commencer par les motivations particulièrement crédibles de la société OmniCorp et les interventions régulières du présentateur TV Pat Novak (campé par un Samuel L. Jackson flippant). Ce parti-pris (qui donne une bien piètre image de la société américaine) confère au film une résonance troublante à notre époque actuelle
(l’intervention des robots américains en Moyen-Orient, la communication entourant RoboCop, le pouvoir des lobbies…)
et apporte une véritable plus-value au remake qui n’est pas qu’un simple blockbuster avec un flic-robot qui tire partout. On retrouve, certes, les grands axes scénaristiques du film de Paul Verhoeven
(la violence à Détroit, le rôle des conglomérats militaro-industriels, RoboCop qui se lance à la poursuite de ses assassins…)
mais il faut saluer la volonté des scénaristes de s’éloigner du modèle imposé par le Hollandais violent, à commencer par son héros. Outre le design de son armure (le noir remplace le gris, l’affuté remplace le massif…), RoboCop est présenté sous un jour beaucoup plus humanisé
puisqu’il se souvient parfaitement de sa vie passée et souffre de ce qu’il est devenu (la détresse du personnage est un des moteurs du film)
. Le personnage est, ainsi, à revers de son prestigieux homologue
(transformé en machine insensible mais assailli de souvenirs de sa vie passée)
, ce qui permet un renouvellement intéressant et une réflexion sur le droit d’une société d’avilir un humain au nom de la sécurité. Décidément, ce "RoboCop" version 2014 a des choses à dire… et il les dit plutôt bien ou, en tout cas, de façon abordable puisque José Padilha a su soigner sa mise en scène, tant sur le plan du rythme que de la BO (signée Pedro Bromfman). Il s’autorise même une scène marquante
(à savoir la découverte, par ce pauvre Murphy, de ce qui reste de lui lorsqu’on lui retire son armure)
qui, certes, est moins choquante que les sommets de gore infâmes du film original mais qui, dans un blockbuster hollywoodien des années 2010, est loin de laisser insensible. Padilha ne réussit pas tout, pour autant, et se plante même sur certains "passages obligés". L’exemple le plus frappant est, sans doute
, l’entrainement de RoboCop et sa démonstration finale avant sa mise en service, qui manque singulièrement d’intérêt alors qu’elle est censée imposer le personnage comme la solution ultime contre la délinquance
. Le rôle donné à la femme de Murphy (Abbie Cornish) aurait, également, mérité d’être plus travaillé, le personnage étant plus pénible que touchant… tout comme celui du mercenaire allergique au robot (Jackie Earle Haley), trop caricatural pour convaincre. Ces deux personnages souffrent, d’ailleurs, d’un certain décalage avec les autres, étonnements atypiques. On retiendra, ainsi, la prestation incroyablement détendue de Michael Keaton en grand manitou, de Gary Oldman en scientifique empathique et de Jay Baruchel en directeur de com’ enthousiaste. Quant au rôle-titre, j’avoue avoir été gentiment surpris par l’interprétation de Joel Kinnaman qui, en tant qu’Alex Murphy, laisse entrevoir de belles choses avec une présence physique et une gestuelle intéressante, et, en tant que Robocop, parvient à faire ressentir la douleur du personnage, même s’il est forcément bridé par l’armure. C’est peut-être un des paradoxes de ce remake qui, en voulant humaniser son robot star, a peut-être négligé les conséquences sur son interprète, qui s’est vu interdire la prestation génialement monolithique de Peter Weller. Pas facile pour autant d’être original lorsqu’on a qu’un visage fixe pour s’exprimer. Heureusement, l’armure reste plutôt cool (ah la visière qui s’abaisse en mode combat et le flingue qui sort de la cuisse) même si elle peine à oublier celle, légendaire, de 1987. "Robocop" version 2014 n'est, donc, pas la catastrophe annoncée et, sans être non plus un chef d'oeuvre, s'avère être un film plutôt bien foutu... qui a eu le malheur de se faire basher par les adorateurs du film de Verhoeven qui, malgré ses qualités, ne me parait, pour autant, pas intouchable. C’est injuste mais c’est comme ça…