Ni un désastre total ni une franche réussite, cette revisite à défaut d’être un remake du « Robocop » original a quand même quelque part son mot à dire. En soi c’est un bon film, c’est juste qu’il ne rend que très peu hommage à son aïeul, en ne lui faisant aucun clin d’oeil et en n’en conservant ni l’esprit, ni des techniques de réalisation dont il a été le précurseur. Il va d’abord s’en distinguer, admettons-le, par un scénario plus élaboré, avec une approche différente axée sur le lobbéisme politico-médiatique des grosses puissances industrielles, leur capacité à corrompre n’importe qui, ainsi que la dénonciation de leur stratégie capitaliste ne considérant aucunement l’aspect éthique. Robocop lui, n’est que l’outil de cette manipulation, la victime de ce système, et c’est paradoxalement là la première faille de ce film. Notre héros n’est pas vraiment au centre du récit, l’enjeu penche davantage du côté de ceux qui l’ont conçu et qui décident de son champs d’action. De plus, il est loin d’avoir cette prestance, cette aura et cette singularité dont se distinguait son ancêtre du même nom. Il n’est ici qu’un droïde parmi des modèles déjà existants, à la différence près qu’il est partiellement humain, même qu’il leur est inférieur niveau réflexes
avant sa reprogrammation
. D’autant plus que son design noir nouvellement imaginé, et affreusement moche au passage, lui confère un aspect maigrichon, peu glorieux comparé au buste surgonflé qui en impose de la version d’origine. Deuxième atteinte à la liturgie « Robocop », c’est la caméra subjective si mal exploitée, reléguée au second plan par le réalisateur, avec de surcroît une interface graphique du logiciel embarqué du robot pas du tout immersive. Si l’on peut comprendre que le passage au numérique et à la HD gâche cet effet analogique et phosphorescent vert fluo rétros, on ne peut que constater avec dépit le manque cruel de filtres sur l’image, l’ambiance pauvrement étudiée et la désorganisation de cette interface modernisée, ce qui ne nous permet jamais de rentrer dans la peau de Murphy comme c’était remarquablement le cas avant
, pour se rappeler par exemple les aveux de Jerry White, le procédé de relecture de l’enregistrement vidéo n’a pas été utilisé. Impossible non plus de ne pas citer le premier réveil de Robocop, où non seulement on est à des années lumières du cachet de la précédente version mais en plus on ne peut que rester abasourdi devant la maladresse et le manque de professionnalisme du professeur et de son équipe. C’est dommage car l’utilisation du corps de Murphy amputé de tous ses membres était beaucoup plus crédible que la résurrection d’un corps criblé de centaines de balles dont l’une en plein cerveau.
Aussi, l’exagération dans l’analyse d’environnement
(arriver à simuler très précisement en 3D l’architecture et la composition des bâtiment à partir d’une vue 2D depuis un seul angle)
et dans la détection d’indices
scanner un iris à 100m de distance, arriver à lire les empreintes digitales d’un coup d’oeil furtif sur une arme
nous fait soupçonner la facilité scénaristique et nuit à la crédibilité du tout. Troisième atteinte au personnage c’est son entrée en scène jamais aussi magistrale, et les scènes d’actions qui manquent totalement d’originalité. Dans la version de 1987, chaque apparition de Robocop avant les affrontements était théâtralisée, c’est certes surfait, mais ça avait son charme car c’était tout à son honneur. Puis les duels qui s’en suivaient avaient toujours un côté atypique, inattendu, voire cocasse recherché, alors que là de simples échanges de coups de feu sont systématiquement de mise. Concernant le grand rival ED-209, on est loin de la machine bestiale qui nous terrifiait tant, personnage à part entière à la base, on n’a là que quelques répliques du modèle qui même à plusieurs ne font pas le poids, avec là encore des scènes de combat toujours aussi quelconques. Le personnage le plus exaspérant par dessus tout restera à coup sûr ce fameux présentateur TV épouvantablement joué par un Samuel L. Jackson portant une espèce de perruque. Je ne sais toujours pas si c’étaient des flashs infos ou autre chose, ni quel était l’effet recherché, mais c’est complètement raté en tous cas, et loin d’être au niveau de la satire médiatique originelle. Ces séquences poussaient dangeureusement le film vers le bord du précipice, heureusement que Michael Keaton et Gary Oldman sont là pour élever le niveau et rattraper la situation. L’introduction de la famille de Murphy, à défaut de nous émouvoir, aura également été une belle trouvaille faisant marquer des points supplémentaires. Pour conclure, il n’est jamais facile de faire un reboot, surtout quand il s’agit à la base d’une oeuvre à succès qui fait partie des classiques. On peut la faire revivre en reformatant certaines parties du scénario, en en remplaçant certains membres, en s’aidant des technologies les plus récentes à disposition, mais s’il y a une chose à ne pas laisser de côté c’est son âme, son esprit et sa personnalité. Cette mise à jour de « Robocop » aura trop transigé sur cette règle, les traits de caractères qui devaient servir comme fondement ont au contraire été tellement jugés obsolètes par Paul Verhoeven, que ceux qui ont apprécié la première version du nom y auront du mal à le reconnaître.