Je ne vous cache pas que ce remake me faisait vraiment peur pour deux raison : 01) en général les remakes sont plutôt de gros gâchis sans intérêts ("Fog", "Rollerball", "Le Cercle/The Ring", "Fright Night", "Total Recall : Mémoires Programmées", "Dark Water", "Psycgo", "Bangkok Dangerous", "The Eye", "Conan", "L’ Aube Rouge", "Old Boy"...) et 02) je suis un énorme fan du film de Paul Verhoeven, que je considère comme l’un de mes films cultes par excellence tant il est à mes yeux l’un des meilleurs films de SF politisée jamais réalisés ! Pourtant, une petite lueur d’espoir m’apparut lorsque le nom du réalisateur a été dévoilé : José Padilha est un réalisateur brésilien qui s’est fait connaître avec "Troupe d’Elite" et sa suite "Troupe d’Elite 2 : L’Ennemi Intérieur", deux films d’action très bien réussis relatant la lutte sans merci contre les trafiquants de drogue du BOPE, une force spéciale la police militaire de Rio de Janeiro connue pour être incorruptible. Alors, qu’est-ce que je pense de ce "Robocop" version 2014 ? Et bien je dois avouer que je suis très, très mitigé dans le sens où finalement il ne s’agit de l’immonde bouse insultante que je m’attendais à voir, sans être pour autant aussi marquant que le film d’origine. Soyons franc, le remake de Padilha n’a pas totalement occulté le propos politique que véhiculait le film de Verhoeven : il l’a tout simplement (et intelligemment) actualisé en montrant du doigt la politique internationale des USA au Moyen-Orient boostée par le traumatisme post-11 septembre, le monopole des multinationales qui dirigent en réalité le monde ainsi que les médias entièrement dévoués à une idéologie prônée par un parti politique (l’émission présentée par Samuel L. Jackson est à ce titre une belle satire mêlant parti républicain et discours pro-NRA). Sur ce dernier point, le film fait autant dans l’ironie que les infos et les publicités dans le "Robocop" de Verhoeven ou les passages informatifs du network de la Fédération dans "Starship Troopers" : sans déconner, un gros blockbuster hollywoodien (100 millions de dollars de budget tout de même !) avec derrière de gros studios (MGM et Columbia Pictures) qui ose crier haut et fort que la politique américaine actuelle ressemble à une sorte d’impérialisme dictatorial (oui, oui : un peu comme Napoléon), c’est tout de même plutôt couillu pour ne pas être souligné (rien que pour ça : respect Mr. Padilha !). Ensuite, et là c’est certainement la plus grosse différence entre les deux œuvres, c’est le développement du héros : tout d’abord, Alex Murphy était présenté dans le film de Verhoeven comme un flic intègre, un collègue plaisantin (instaurant immédiatement une certaine complicité avec Anne Lewis) mais un peu idéaliste dans sa vision de la justice ; ici, il apparaît dès sa première scène comme un flic éprit de justice certes, mais assez badass et incorruptible. Deux caractères très opposés finalement. Ensuite, l’évènement qui l’amènera à devenir Robocop n’est pas traité de la même façon : chez Verhoeven, Murphy se fait chopper par Boodicker et ses sbires et se fait littéralement truffé de plombs par ses derniers, ne lui laissant aucune chance de survie ; chez Padilha, Alex va juste se faire souffler par l’explosion de sa voiture sans mourir mais devenant atrocement mutilé et brûlé. Et cet évènement amène directement à la principale opposition entre les deux films : chez Verhoeven, on gardait le cerveau d’Alex mais on lui a ôté toute sa mémoire pour créer le flic ultime ; ici Alex est conscient de ce qu’il est (par l’intermédiaire d’une scène stupéfiante où lui sont dévoilés ses restes organiques !) ; c’est-à-dire que, dans la version de 1987, il s’agit d’une machine qui découvre au fur à mesure qu’il était un homme et qui cherche à retrouver son âme, alors que dans la version 2014, il s’agit d’un homme mutilé qui doit accepter ce qu’il est devenu. Deux visions différentes mais par forcément incompatibles au final. Malheureusement, l’approche 2014 ne nous permet pas de ressentir la même compassion vis-à-vis du héros dans le sens où il est moins torturé que dans la version 1987 : il a juste perdu son corps, sa femme et son fils sont toujours là, savent ce qui lui est arrivé et ils continuent de se voir. Dans le film de Verhoeven, on ne voit pratiquement jamais sa famille et le héros ne les rencontre pas directement (il est censé être décédé dans l’exercice de ses fonctions) : il a tout perdu, pas seulement son corps, Alex Murphy est bien plus détruit psychologiquement et c’est aussi pour cela que le spectateur prenait entièrement parti pris pour lui ! Maintenant attardons nous à une caractéristique primordiale : l’action. Le "Robocop" de Verhoeven en contenait pas mal et surtout ne se gênait pas pour flirter avec le gore le plus craspect, mais le plus intelligent, c’est que cette violence n’était jamais gratuite, elle sert parfaitement le propos du film : Robocop n'est pas du genre à se laisser émouvoir, c’est un flic cyborg sans état d'âme, métaphore grinçante d'une société déshumanisée et ultra-violente. La société est trop pourrie pour la « guérir » par voies normales : il faut la nettoyer, la purifier, répondre à la violence par la violence. Pour la version 2014, il ne faut pas oublier qu’il s’agit avant tout d’un film de producteurs et que le but principal c’est de faire du fric, donc de faire le plus d’entrées, donc de ne pas se voir frappé de restriction…oui vous l’avez malheureusement (et encore !) compris : la dictature du PG-13. Donc ici, la violence est carrément revue à la baisse, n’étant plus l’élément important du contexte : pour justifier cette aseptisation, les scénaristes concentrent le récit sur l’insécurité…paradoxal mais on fait comme on peut. Nous aurons donc peu de scènes d’action, mais heureusement pour nous, José Padilha se permet de nous livrer de bonnes séquences bien réalisées : qu’il s’agisse de la validation des capacités de Robocop (très dynamique), d’une fusillade dans le noir (incroyablement réussi cette séquence : la meilleure du film !!!) ou encore de l’affrontement contre plusieurs ED-209 (bien faite mais beaucoup trop courte !...au passage, même si je préfère celui de 1987, le nouveau design des ED-209 est plutôt moderne et sympa), ces scènes n’ont rien à envier à celles d’autres gros blockbusters ("The Amazing Spider-Man" en proposait autant mais d’une bien plus mauvaise qualité). Je finirais sur les acteurs : à la tête de l’OmniCorp, nous retrouvons Michael Keaton dans le rôle de Sellars qui symbolise bien à lui seul les aberrations d’une société de surconsommation qui nous abrutit à grands coups d’opérations marketing agressives. Certes son personnage est bien loin de celui de Dick Jones interprété par Ronny Cox dans le film de Verhoeven, mais malgré tout, chacun est intéressant vis-à-vis du contexte sociétaire de chacun des films. Un autre personnage très différent de son alter égo de 1987 : le docteur Norton. Si le personnage de Miguel Ferrer était un petit connard intelligent mais qui recherchait avant tout la reconnaissance et le fric en n’ayant rien à foutre au final de sa « création », ici Gary Oldman (très bon) offre une nouvelle dimension à son personnage en lui créant une relation père/fils avec sa créature (la référence au docteur Frankenstein est plus que visible) qui cherchera rédemption pour lui avoir fait ça en le défendant corps et âme. Samuel L. Jackson campe un personnage original avec le présentateur de l’émission et est, à lui seul, une critique du pouvoir excessif des médias aux USA ainsi que des nationalistes extrêmes pro-armes ; c’est d’ailleurs certainement la raison pour laquelle il se fait vraiment plaisir en cabotinant comme un fou !! Maintenant on va aborder les déceptions : malgré ses efforts, Joel Kinnaman n’arrive pas à la hauteur de Peter Weller, il ne parvient jamais à réussir à exprimer les tourments intérieurs de son personnage qui lutte pour conserver son humanité, alors qu’en plus on peut voir son visage en entier !! (oui : Weller y arrivait mieux alors qu’on ne voyait jamais ce qu’il y avait au-dessus de ses lèvres !). Quand au personnage de Lewis, bin on passe du personnage complice très important (c’est elle qui déclenche le retour des souvenirs de Murphy et elle l’accompagne dans sa lutte jusqu’à la fin) à un collègue homme black insignifiant qui n’a aucun rôle dans le film. Pour finir, on a deux méchants dans la version 2014, à savoir Vallon et Maddox, qui n’arrive pas, à eux deux réunis, à égaler le Clarence Boddicker (génial Kurtwood Smith !) du film de 1987…c’est ce qu’il manque finalement à ce film : un vrai méchant digne de ce nom !! Bon je vais m’arrêter là car sinon cette critique va devenir une nouvelle…
Même s’il est inférieur à son illustre ancêtre, ce "Robocop" nouvelle version n’est pas pour autant un mauvais film : si on ne peut que reconnaître qu’il est plus « édulcoré » (beaucoup moins de sang mais beaucoup plus de SFX), il donne une vision particulièrement cynique de la nation américaine et, surtout, de sa paranoïa sécuritaire. Finalement, le seul véritable reproche qu’on peut lui faire, c’est de ne rien apporter de nouveau à la mythologie du personnage. Donc, si vous ne connaissez pas le film de Verhoeven, vous allez sûrement apprécier ce film…mais je ne peux que vous conseillez de visionner un jour l’original : c'est indispensable !