Morse, une vision du vampirisme signée Tomas Alfredson, natif suédois maintenant connu et reconnu à l’international pour avoir si brillamment mis en scène John Le Carré et George Smiley. Oui, du côté de Stockholm, le cinéaste renverse les tendances, bouscule les aprioris et signe un film d’une froideur cataclysmique qui ne verse jamais dans le gore, l’effroi ou la surenchère. C’est sans doute la force de Tomas Alfredson, savoir doser chaque ingrédients de sa recette pour que celle-ci ne verse jamais dans l’excès, le tout étant d’une propreté, d’une spontanéité effarante. Si son récit s’avère éminemment sombre, sanglant, jamais le film ne choque, prenant même parti pour l’obscure face à la normalisation sociale, diabolisée ici par une jeunesse retord qui semble se complaire à maltraiter les plus faibles, démunis ou excentriques de leurs congénères.
Si le jeune Oskar possède d’emblée les traits psychologiques et psychiques d’un futur tueur en série vengeur, l’on ajoute à sa cause de l’ombre son amitié puis son attachement à son amie Eli, laquelle, l’on le découvrira bien vite, est toute particulière. Eli est une jeune vampire, laquelle est servie par un vieil homme mystérieux. Inutile d’aller plus loin dans le pitch, simplement de mentionner qu’Oskar le rejeté et le monstre enfant vous s’unir dans la vie comme dans l’esprit pour que leur monde à eux soit meilleur, avec toutes les conséquences que cela aura sur leurs entourages. Alfredson pousse même le vice en détruisant petit à petit, à coups de clichés, la bonne prestance des personnages qui entoure les deux gamins, le père d’Oskar devenant un alcoolique notoire au travers d’une scène inattendue alors qu’il semblait être le père idéal, sa mère, toujours plus distante, semble vivre hors du champ d’attraction de son enfant et j’en passe. Le cinéaste ira même jusqu’à dépeindre les résidents du quartier comme des piliers de bars amorphes, parfois malsain. Des résidents qui serviront de réceptacle à l’étrangeté de la situation.
Malgré une écriture pour le moins osée, froide, Alfredson se démarque également par une mise en scène léchée, admirable tant elle retranscrit dans les moindres détails les intentions, les pensées des protagonistes. Lumière froide, couche neigeuse abondante, obscurité latente des pays du nord, alternance des premiers et seconds plans par une mise au net lente et enveloppante, le réalisateur parvient à faire d’un conte vampirique un film majeur de par une réalisation marquée par une vision irréprochable de ce qui est important ou non à l’écran. Certaines scènes, souvent macabres voire repoussantes, figurent parmi les plus réussies du genre, je pense notamment à la cache sous la glace du deuxième corps, à la combustion du corps à l’hôpital et j’en passe. Bref, lorsque qu’il n’illumine pas des visages en plan rapproché, d’une netteté confondante.
L’on notera finalement une bande-son des grands soirs, discrètes mais indissociable du mélodrame se déroulant sous nos yeux. Alors que la rupture semble finalement consommée, le mal véritable s’en allant, laissant Oskar seul avec ses moyens, c’est à ce moment que le cinéaste fait ressurgir le mal ordinaire, la cruauté des enfants les uns envers les autres, la perversité humaine ici bien plus dérangeante que le surnaturel développé précédemment. Un final digne d’une leçon de cinéma qui écorchera ceux qui pensaient connaître le dernier mot. Hormis quelques effets spéciaux en mode mineur, les moyens suédois dans le domaine étant inférieur à ceux américains, il s’agit là d’un film majeur qui, il faut le reconnaître, de par son rythme, ne laissera pourtant pas son empreinte sur tout un chacun, dommage. 17/20