Venu du grand Nord et imprégné d'une atmosphère scandinave quasi-polaire, Morse ajoute pourtant à une froideur exacerbée la chaleur ardente des passions. Surprenant de subtilité et de pluralité, il réussit en effet un incroyable mariage de genre et d'éléments divers, bonifiant probablement le roman d'origine (que je n'ai pas lu) dont il constitue je n'en doute pas une adaptation réussie. A ce que j'ai compris moins dispersé, davantage concentré sur son duo amoureux que son pendant littéraire (jusqu'à faire de l'isolement sa raison d'être première, grâce notamment à un incessant jeu sur les focales qui cloisonne la perception de l'environnement et sépare les personnages), Morse est d'une force indéniable. Disons d'abord merci et bravo à Thomas Alfredson, qui réussit pratiquement tous ses partis pris artistiques. Le jeune suédois choisit d'abord avec succès une relative économie de plans qui lui confère une rare pureté et une vraie puissance visuelle et narrative, acceptant la lenteur. Une lenteur qui entre en résonance avec des choix de prise de vue sans cesse étonnants, refusant d'entrer à plein dans le récit, de se laisser aller aux artifices souvent en usage dans l'horreur et dont Alfredson démontre avec succès qu'ils n'ont pas le monopole de l'efficacité. Lenteur et détachement, donc, donnent une veine poétique certaine à cette histoire d'amour impossible entre une "jeune" vampire et un garçon accablé de solitude. Le conte macabre dans lequel il se trouvent pris gagne lui aussi beaucoup dans l'irréalité de l'ambiance générée par cette mise en scène brillante, et une photographie elle-aussi exceptionnelle. Des airs de conte qui justifient (ou du moins excusent) quelques incohérences, ou plutôt un désintérêt malin pour certaines questions d'ordre pratique. Il y en effet dans la lenteur des personnages à réagir alors que les attaques se multiplient quelque chose qui donne à penser que malgré tout, l'histoire d'amour se vivra et prendra son ampleur dramatique, comme si cela était inévitable, destinal. Voilà qui l'air de rien, appuie encore l'impression produite. Pendant ce temps là, et sans se soucier avec lourdeur de questions morales, Alfredson développe la pureté, l'absolu de son scénario, qui se réapproprie avec brio les clichés et les thématiques du genre. Il laisse aussi une belle opportunité de s'exprimer à deux jeunes acteurs excellents, dont il serait dommage de les voir s'arrêter trop tôt. Si Kåre Hedebrant (Oskar) a rejoint les rangs de la série Real Humans, Lina Leandersson, brillante en jeune vampire écrasée par la nécessité, n'a toujours pas refait surface depuis Morse. A suivre. En tout cas, pour un premier long-métrage, elle pouvait tomber sur pire que cette pépite d'une superbe poésie macabre. A mes yeux, l'égal du Dracula de Francis Ford Coppola et d'Interview With A Vampire, dans un style qui préfère au baroque un réalisme dépaysant et extrêmement immersif. Un grand film.