Connue pour ses performances cinématographiques, Sylvie Testud est aussi une femme de lettres. Elle est déjà l'auteur de trois ouvrages : Le ciel t'aidera, Il n'y a pas beaucoup d'étoiles ce soir et son dernier Gamines qui était sélectionné en 2007 pour le Prix du Meilleur roman adaptable au cinéma, lors du Forum International Cinéma et Littérature. S'il ne décrocehra pas la récompense, ce troisième opus attirera très vite l'attention des réalisateurs. L'auteur explique d'ailleurs que "trois hommes voulaient en acquérir les droits et je trouvais étrange que des hommes presque assez vieux pour jouer le rôle du père aient envie d'adapter un bouquin qui parle de trois petites filles et d'un père absent."
"Je voulais faire un film sur l'enfance, en ayant plus une envie d'atmosphère, d'images, de réalisation, que d'histoire, d'écriture" explique Eleonore Faucher. En lisant le livres de Sylvie Testud, la réalisatrice y retrouve quelque chose de familier : "alors que l'on n'a pas eu du tout la même vie, ni la même enfance, j'y ai trouvé cette atmosphère que je cherchais, j'y ai reconnu des choses : on avait le même côté garçon manqué, une figure paternelle forte pour des raison différentes, le besoin de nous confronter à nos fantasmes. (...) Et puis elle parlait des rapports familiaux, de la filiation, des thèmes qui m'intéressent. J'ai tout de suite eu envie de l'adapter". Ni une ni deux, Eleonore Faucher écrit à l'auteur pour lui dire ce qu'elle avait ressenti en lisant Gamines. Pour Sylvie Testud, cette lettre fût la bonne. Contente que ce soit à l'initiative d'une femme, elle avoue tout de même sa surprise lors de leur rencontre. "Je ne sais pas pourquoi je m'attendais à quelqu'un de plus âgée. Quand je l'ai vue, je me suis dit 'Oh elle est comme moi, quoi !' On s'est tout de suite senties très proches. On a papoté, des rapports familiaux, de la façon dont on trouve sa place du père, qu'il soit absent ou présent...
Pour la réalisatrice, mettre Sylvie Testud dans la peau de Sybille était une évidence. Pour la comédienne, la crainte d'une trop forte identification au personnage de la part des spectateurs la fit hésiter. "J'ai hésité, j'avais peur que le film revienne vers moi." explique-t-elle. C'est pour cette raison qu'Eleonore Faucher insiste pour que la construction de son film, sa musique et son image ne tirent pas vers la réalisme "L'esthétisme du film permet d'établir une distance : ça reste l'histoire d'un personnage, Sybille, plus que celle de Sylvie Testud". Mais au final, l'actrice a pris le dessus sur l'auteur. "J'ai appréhendé ce film comme un autre, je ne suis pas arrivée sur le plateau en me disant : 'Comment je vais me jouer moi ?'".
Comme toujours lorsqu'un film traite de plusieurs époques de la vie d'un personnage, ou d'une famille, la difficulté est de trouver une petite fille qui ressemble physiquement à la grande. Dans ce cas-là, à Sylvie Testud, la cadette de la famille de Gamines. " Heureusement qu'elle m'a montré des photos d'elle petite, d'ailleurs," explique Eleonore Faucher, "car ça m'a libérée de la découvrir avec des joues et des cheveux longs, ça a ouvert le champs des possibles." La jeune actrice Zoé Duthion avait cette ressemblance, le côté garçon manqué en moins. Il fallut d'ailleurs la convaincre voire la pousser à aller au casting pour jouer une fille un peu costaude. Mais au contact de Sylvie Testud, Zoé a trouvé qui était son personnage "elle s'est imbibée de la personnalité de Sylvie quand elles ont enregistré les voix off toutes les deux en studio avant le tournage, c'est une véritable éponge, Zoé." Les deux femmes s'accordent également sur le talent des deux autres jeunes comédiennes. "Les trois filles sont très fortes" déclare Eléonore Faucher. Et Sylvie Testud d'ajouter "La plus petite, Roxane Monnier, m'a impressionnée par les émotions qu'elle fait passer et Louise Herrero par sa subtilité." La réalisatrice se rappelle encore de la complicité des trois petites actrices lors des auditions : "Elles sont toutes les trois différentes, mais avant même que je décide de les réunir, elles étaient déjà complices. Au moment du casting, pendant une pause, je les ai vues collées toutes les trois, la petite sur les genoux de la grande, en train de tripoter les cheveux de Zoé, la moyenne. Comme si leurs corps étaient une même matière. Je me suis dit : "Bon... d'accord...". Mais dans le même temps, je me suis aussi dit qu'il fallait que je fasse attention à ce qu'elles ne déteignent pas l'une sur l'autre, car elles devaient rester différentes dans le film."
Au milieu de cette ribambelle de femmes et de Gamines, il fallait bien une figure masculine. La place était donc toute trouvée pour l'ancien Marcel Cerdan de La Môme, Jean-Pierre Martins. C'est d'ailleurs sur une idée de Sylvie Testud, qu'il a rejoint l'aventure : "Quand je l'ai croisé sur La Môme, je me suis dit : 'De toute façon, on le reverra parce qu'il a un truc'. Le jour où j'ai appris qu'Eléonore cherchait un acteur pour jouer le frère d'Amira, je lui ai parlé de Jean-Pierre." La réalisatrice fera bien d'autres auditions, mais personne ne remplacera Jean-Pierre Martins dans l'esprit d'Eleonore Faucher :"Mine de rien quand tu écris un rôle avec l'image d'un acteur en tête, c'est difficile de la chasser. J'ai rencontré quelqu'un d'autre, auquel j'avais pensé, un peu par acquis de conscience, mais Jean-Pierre était déjà enraciné. "
Amira Casar a le même âge que Sylvie Testud, pourtant elle interprète sa mère dans Gamines. Un choix assumé pour Eleonore Faucher : "Il me fallait une actrice qui puisse jouer la mère à deux époques différentes. Je n'avais pas envie de prendre une actrice de 30 ans et une autre de 55 ans, je préférais jouer sur le maquillage. (...) Amira a foncé sur ce pari, c'est là qu'on voit qu'elle vient du théâtre, ça ne lui a pas fait peur une seconde, elle joue le vieillissement, et ça marche. En plus, elle est archi polyglotte, ce qui a aidé pour la scène en italien."
Gamines a été sélectionné au Festival International du Film de Pusan en 2009.