Quel film extraordinaire qu'Elie Chouraqui nous a concocté là. Une somme. Un sommet. Une anthologie du foutage de gueule éhonté.
L'histoire tient, comme il se doit, entièrement sur un bock de bière. Madame est divorcée et vit dans un immense loft à Paris dont on se demande comment elle le paye, avec son fils de douze ans devant qui, pour faire moderne et maman-cupine (prononcer "queupineu"; c'est mieux que "copine"), elle se promène à poil la moitié du temps. Son gamin est une petite peste jalouse qui n'accepte pas le nouveau Jules de sa mère, joué par ce bourreau des coeurs de Marc (Lavoine). Et il va essayer de casser leur couple pour qu'elle se remette avec son vrai père. Mais Marc est super sympa et ... (je ne veux surtout pas dire comment ça finit à nos amis trépannés qui n'auraient pas encore compris).
Le mauvais goût apparaît dans ce film à la fois par petites touches pestilentielles subtiles et par énormes flaques nauséabondes,
Commençons par un petit détail indigeste, à l'instar du petit chocolat qui termine le repas de Monsieur Créosote dans le sketch des Monthy Pythons. Marc est créatif dans une boîte d'infographie qui produit des dessins animés 3D "qualité française". Pour les besoins de l'oeuvre d'Elie Chouraqui, un abruti a créé (mais dans le film, c'est Marc dans un immense coup de génie qui a eu l'idée) une espèce de Jar-Jar-Binks francais que Marc, en entrepreneur avisé, a baptisé avec finesse "Toujours en colère" ("Oh, maman, je veux avoir un cahier avec "Toujours en colère" dessus". MAIS NON, ELIE, CA NE VA PAS, GROSSE PATATE. Pourquoi il n'y a pas eu sur le tournage, je ne sais pas moi, ne fût-ce qu'un preneur de son ou une cantinière, pour oser dire à Chouraqui à quel point cette idée est moisie). Il ne sera même pas épargné au spectateur, à la toute fin du film, la révélation de qui Marc a été inspiré pour créer ce personnage. Dois-je vraiment aider nos amis trépannés sur ce coup-là?
Attaquons maintenant les grosses pièces de gibier faisandées que Chouraqui nous sert comme le restaurateur avec son flingue à de Funès dans l'Aile ou la Cuisse.
Comme dans trop de films d'auteur sans idées, il y a des longueurs insoutenables, faites comme dans les Ally MacBeals les moins inspirés, de play-backs et d'interminables séquences d'images muettes avec de la musique d'un unique artiste, Jimmy Darling, qui parvient quand même à caser 10 titres dans tout le film au risque de finir par taper sérieusement sur les nerfs. Et les sous-entendus graveleux qui parsèment le texte de Darmon, le père du gosse, juste pour qu'on comprenne bien pourquoi la mère a divorcé. Et, pour faire référence aux plus "grands", ces incessantes allusions à Jacques Demy, dont on nous fait subir, puissante mise en abîme, des extraits de l'oeuvre projetée dans un cinéma à peu près désert. Et les seconds rôles de copains qui rigolent hystériquemment à tout propos et sans que le spectateur ne soit censé comprendre pourquoi, pour montrer que quand même Marc, sa meuf et Darmon sont super cools d'avoir des copains complices comme ça. Et ce gosse qui joue avec le naturel et la conviction d'une limace. Et la voix off au début qui nous inflige une des plus belles collections de clichés de l'histoire du cinéma, avec, je cite "Je suis dingue de cette fille c'est vrai dingue dès que je l'ai vue je l'ai aimée jveux dire tout j'ai tout aimé chez elle sa façon de marcher sa bouche et puis ses yeux et puis aussi son ptit sourire triste" (Mais non, andouille, c'est ses tétons qu'on remarque (Il faut avoir vu le film pour comprendre)) "Et son rire non son rire elle a un rire non? il est pas mal son rire" GAAAA VA TE FAIRE FOUTRE ELIE. GAAAAA.
Pardon. Continuons le réquisitoire.
A un moment, Marc est empoisonné à la fraise (haha, à la fraise, quelle idée amusante) et Chouraqui ne résiste pas à placer l'inévitable quiproquo du médecin qui annonce sa mort à ses amis. La scène se conclut dans le carrément répugnant quand le médecin finalement parle avec les vrais parents du mort qui s'effondrent en larmes au second plan jusqu'à ce que Marc apparaisse hilare à ses amis au premier. Sacré Marc.
Seule Barbara Schulz, en mère hyperactive, s'en sort un peu. Sauf qu'à la longue on aimerait qu'elle arrête juste une minute de s'exciter comme ça parce qu'avec le non-jeu de son gosse, de Marc et de Darmon, c'est vraiment crispant. Mais Barbara ! Quelle générosité envers Chouraqui ! Accepter de se balader à poil pendant des heures pour essayer de sauver son film du marasme ! Quel engagement ! Si seulement elle pouvait faire pareil pour un film qui vaille vraiment les 9 Euros qu'on aurait pu aussi donner pour voir Slumdog Millionnaire, Frost Nixon, Revolutionary Road ou Gran Torino.