Après avoir réalisé Basic Instinct quatre ans plus tôt, Paul Verhoeven ne quitte pas l'élément qui a fait le succès de son oeuvre la plus célèbre, c'est-à-dire la provocation de filmer le sexe dans une posture purement formelle, quitte à ce qu'elle paraisse vulgaire, sale et malsaine. Showgirls a deux facettes bien distinctes. La première, probablement la plus simple, observe le spectacle comme un produit qui renvoie directement à son image superficielle, comme l'éloge de la jouissance et du plaisir charnel, sans complexe, dénué de toute contrainte morale. Ainsi, il frôle la scandaleuse réputation de montrer l'inutilité. Pourtant, appronfondir sa vision est essentielle, surtout si l'on reconnaît les talents immenses du cinéaste. Assurément, l'auteur souhaite déclencher chez son public un désir d'excitation pour le remettre radicalement en question. Le début de la projection s'ouvre sur une route menant à Las Vegas. Dans ce désert humain, une femme débarque, au nom de Nomi Malone, dont la performance d'Elizabeth Berkley est à souligner, et décide de vivre une nouvelle vie dans cette ville. Déjà, le film utilise l'allégorie rabâchée du "rêve américain". Paul Verhoeven l'examine avec son cynisme mordant, mais un pessimisme bien moins courant. Le dernier adjectif s'exprime dans le personnage principal de son histoire. Au fur et à mesure de son périple, Nomi Malone découvre que le monde dans lequel elle vit est manipulateur. Sans en prendre elle-même conscience, elle change, malgré les conseils de sa meilleure amie qui pense comprendre la perversité de ce milieu. Mais le pessimisme cynique du réalisateur s'exprime dans la séquence où celle-ci rencontre la star qu'elle a toujours souhaité rencontrer, mais se fait horriblement violer. On pourrait même en rire. Dans cet univers artificiel qu'est Las Vegas, que ce soit sa population ou ses loisirs, c'est un endroit qui personnifie la solitude et la perdition des êtres. C'est, dans un certain sens, l'humanité de Showgirls.