Après une carrière néerlandaise et européenne remarquée (« Le choix du destin », « Spetters », « La chair et le sang »), Paul le Hollandais s’exporte à Los Angeles en nous pondant trois ovnis du cinéma contemporain : « Robocop », « Total recall », « Basic instinct ». De simple artisan moderne, il passe au statut de maître du cinéma grâce à cette Trilogie psychotique qui critique les dérives de la politique américaine (post-Vietnam, police..). Dès lors reconnu internationalement comme metteur en scène sulfureux, « Showgirls » participera à sa décadence états-unienne. Avouant ne pas s’être limité à sa ligne de conduite habituelle, l’auteur-cinéaste a déclaré qu’il a pris ce projet trop à cœur en allant trop loin dans la critique du pays qui lui a fait confiance. Egalement, la mise en chantier de « Showgirls » s’est révélée difficile en raison de déboires financiers de la maison de production Carolco, cofondé par Mario Kassar (le producteur exécutif de « Rambo » et « Terminator 2 », c’est lui !!). Dès sa sortie, le film est un échec commercial et critique. A tel point que Carolco fit faillite à cause de ce pari perdu. Dommage, Mario. De même, Paul Verhoeven, qui se verra remettre en main propre le Razzie award du meilleur film (chose rarement vu à la télé), ne s’en remettra jamais, et fort de cette déconvenue malgré un semi-succès avec « Starship troopers », il rentrera sur les terres de ses débuts, les Pays-Bas (« Blackbook », « Elle »). Il faudra une intervention du membre influent Jacques Rivette (l’inventeur du concept de la Nouvelle Vague à la réalisation en 1956 avec « Le coup du berger ») des Cahiers du cinéma pour revaloriser l’œuvre incomprise de Verhoeven. Cet objet du désir, longtemps dénigré car interdite aux mineurs de moins de dix-sept ans lors de sa sortie en salle ainsi que de l’actrice principale (Elisabeth Berkley) qui n’a pas eu la carrière qu’elle escomptait, est ainsi resté un film incompris de Verhoeven dans lequel on retrouve pourtant sa marque de fabrique.
Nudité, érotisme à outrance, sexe, poilade, misogynie, rêve de puissance et de gloire sous fond d’ascension sociale d’une fille qui rêve de devenir danseuse dans la ville lumière (Las Vegas) sont les thèmes fétichistes que le réalisateur du « Quatrième homme » met ici brillamment en scène. Le metteur en scène qu’il était à ses débuts arrive à ses fins avec « Showgirls ». Avec cette acidité qui le caractérise, maître Verhoeven emballe son onzième long-métrage de manière fulgurante ne laissant aucun temps mort à raconter son histoire. Incisif voir corrosif, le Hollandais violent transgresse, se pourfend de ses erreurs de jeunesse (débuts tonitruants de « Business is business », anachronismes de « Flesh and blood ») en mettant à nu sa vision de l’Amérique moderne vue au travers des yeux d’Elisabeth Berkley. En cela, l’actrice de la série « Sauvée par le gong » passée chez Woody Allen (« Le sortilège du scorpion de Jade ») se fait l’alter-ego du cinéaste. Ainsi, Paul le néerlandais pousse le vice jusqu’à s’en moquer ouvertement. Jubilatoire !
« Showgirls » passe également au niveau supérieur côté scénario car il aborde de front les limites du capitalisme et casse les codes de la contre-culture hippie. Le raconteur d’histoire Joe Eszterhas (scénariste de « FIST » et « Basic instinct »), pour sa seconde collaboration avec le réalisateur hollandais, reste proche de ses personnages (on peut ainsi dire qu’il s’agit d’un drame humain), critique de manière virulente les us et coutumes traditionnelles (le genre comédie de mœurs s’applique automatiquement au film) et envoie Paul Verhoeven sous les traits d’Elisabeth Berkley. Cinéma d’auteur par excellence, maître Verhoeven fait de « Showgirls » son film le plus abouti. Joker ! Et en profite pour caricaturer la scène finale en faisant un pied de nez à la séquence d’introduction. Jackpot assuré !
De plus, le reste du casting, convaincant à souhait, n’est pas en reste. Robert Davi, Gina Gerhson, Kyle MacLachlan, et la fragile Gina Ravera (actrice de séries), des pointures dans leur domaine (voir leur filmo pour s’en rendre compte) complètent le tableau dessiné par The flying dutchman qui ose jouer avec les machines à sous des casinos de Vegas.
Pour conclure, « Showgirls »(1995), chef d’œuvre de maître Verhoeven (entouré de son équipe internationale remaniée : Vacano, Mirojnick, Goldsmith) et film culte incontournable sur le monde du spectacle grâce à l’actrice iconique Berkley, est à classer parmi le Top 5 des meilleurs crus de l’année. Mon coup de cœur de 2016. 2 étoiles sur 4.
Spectatrices en manque de seins, léchez vous !