L’Arbre, c’est le premier que Frédérick a planté quand il est arrivé dans ce coin de Sologne au sortir du camp de concentration de Schirmeck en 1943 ; la forêt, c’est celle qui l’entoure et le protège des hommes, et où la vérité se reconstruit lentement au cours des promenades qu’y font les membres de cette famille au bord de la crise de nerfs. C’est aussi bien sûr l’arbre qui cache la forêt, ici le secret qui pèse sur tous. C’est enfin l’activité de sylviculture qu’exerce Frédérick, qui s’inscrit dans la durée et dans ce que Jacques Martineau appelle une chaîne de transmission. « Or, ici, dit-il, la transmission est brisée. Le travail accompli depuis des générations s’effondre à cause de son secret trop tardivement révélé ».
Ce n’est pas déflorer l’intrigue de dévoiler la nature de ce secret, puisque la révélation intervient à la moitié du film. Olivier Ducastel et Jacques Martineau ont parlé de la condition homosexuelle dans toute leur œuvre : « Jeanne et le garçon formidable », « Drôle de Félix », « Crustacées et coquillages » ou « Nés en 68 » parlent du sida, du rejet de la famille ou du mariage homosexuel. Le secret, c’est donc la cause de la déportation de Frédérick envoyé à Schirmeck pour homosexualité, où il était « méprisé par tous, à commencer par les autres détenus ».
Le film démarre très brutalement, avec une scène où un Guillaume éméché (joué par François Négret, le Joseph de « Au revoir les Enfants ») balance à son père « Tu nous fais honte ! ». Là, on se dit qu’on va devoir supporter un énième drame psychologique français, dans une ambiance de bourgeoisie de province à la Chabrol. Et puis, rapidement, les réalisateurs installent une autre ambiance, avec des plans comme ceux où Frédérick (interprété par Guy Marchand) écoute Wagner, qu’il ne veut pas laisser à ses bourreaux, ou des moments de confidence entre Marianne (Françoise Fabian) et sa belle-fille (formidable Catherine Mouchet).
C’est une particularité de ce film que les monologues des confessions de Frédérick et de Marianne réussissent ce que les dialogues surexplicatifs ne parviennent pas à faire, à savoir créer une réelle émotion ; car, comme le dit Olivier Ducastel, « Même si a priori, ce n’est pas évident, écouter des récits au cinéma peut être passionnant. Nous ne devions pas avoir peur de mettre en scène de longs récits ».
La volonté démonstrative amène à insister lourdement sur l’homophobie des fils, ou à décrire une peur du qu’en-dira-t-on qui semble d’un autre âge. Mais malgré ces défauts dus à une volonté de convaincre, « L’Arbre et la Forêt », Prix Jean Vigo 2009, présente le mérite de traiter d’une question volontairement oubliée de l’histoire officielle, tout en réussissant à émouvoir par la grâce des moments anodins plus que par le didactisme appuyé des dialogues.
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