Ce qu’il y a de plus atroce dans ce film, ce sont les rapports entre les personnages. Là-dessus, les cinéastes français, qui admirent tant le cinéma américain, devraient mieux le regarder. Il y a dans presque tout film américain des reflets du mouvement de la vie sociale : les gens se parlent, se mesurent, se jugent, se rejettent ou s’attirent, s’influencent. Au contraire, dans le cinéma français et exemplairement dans la comédie française, les personnages, hystériques et nombrilistes, passent leur temps à se fuir. Un exemple entre mille : dans la scène de drague en boîte de nuit, au début, le type et la fille se matent, ricanent, mais ils ne se disent rien. Dans une scène du même genre, les Américains n’omettraient pas le fait que, généralement, les gens qui cherchent à se séduire se parlent un minimum, se font rire, feintent au moins la complicité, et que ce moment peut être beau et révéler quelque chose sur eux. Chez les Français tout est joué d’avance, les rôles sont fixés, la naïveté ou l’hypocrisie plombent le rapport. À part des grimaces et des caricatures, les auteurs « populaires » français n'inventent rien. C’est comme les comiques de la télé. Prenez Gad Elmaleh par exemple et comparez-le à Seinfeld. Seinfeld écrivait sans chercher la complicité ni à poser au gendre idéal. On le voit quand il est face à son public, il garde toujours une distance professionnelle : pas de fausse complicité, pas de drague, l’important reste la plaisanterie, son contenu corrosif, son rythme, son effet. Quand son public réagit par le rire, il monte d’un ton, et la drôlerie est croissante. Chez le sinistre Elmaleh, le crescendo est de pure convention. Seinfeld parlait de lui, de ce qu’il trouvait absurde ou incompréhensible, quitte à se montrer phobique ou névrosé. Elmaleh, lui, moque les autres. Il est vrai que pour lui tout va bien : il est beau, gagne bien sa vie, ce sont tous les autres qui sont ridicules. Ainsi passe-t-il son temps à s’excuser, sans jamais cesser de rire des méchantes vannes qu’il lance à son public. "Tout ce qui brille", c’est pareil : ça va vite pour donner l’impression que ça vit, mais les personnages sont creux. Et le résultat, c’est cette impression qu’en fait les acteurs se méprisent les uns les autres, qu’ils ne pensent qu’à leur petite gueule. On n’a pas devant ce film le début du sentiment qu’il existe une société française, quelle qu’elle soit, même divisée, malade, anomique. On voit des êtres génériques, la bouche pleine de mots, le corps agité, parfois figé le temps d’une scène tire-larmes sordidement sentimentaliste. Si ça plaît aux gens, qu’est-ce que ça veut dire ? Mais est-ce que ça plaît aux gens ?