Ce film est une curiosité, non pas exotique mais cinématographique. Le sujet sent le soufre et le traitement est clinique. On a une désagréable impression d'une mise à distance, comme une totale absence d'émotion, qu'on suppose voulut par l'auteur pour ne pas tomber dans le piège de la complaisance dans la description des souffrances de Saartjie Bartman, la vénus hottentote avait un nom. Je n'ai pas ressenti la nausée de certains mais plutôt la sensation de voir un reportage anachronique très crû et réaliste avec une non-implication très pro du "journaliste" qui a filmé ça. C'est peut-être ça qui me manque, ce manque de risque qui nuit au film et le transforme en "foire aux monstres", et nous pauvres spectateurs on est bien obligés d'endosser le rôle et l'habit du voyeur malsain. C'est vrai que le sujet est casse gueule, l'histoire de cette femme est terrifiante mais à tout regarder à travers une loupe de naturaliste, les protagonistes deviennent des choses et de moins en moins sujets, qu'on a pas envie de juger bons ou mauvais voire même intéressants, et surtout pas sadiques, bêtes à la limite. Il faut dire que dès le départ les points sont mis sur les i. Le parterre de "scientifiques" qui déblatère autour du plâtre grandeur nature de feu la vénus hottentote, pose le postulat d'une époque et du film: cette femme est un objet. La mise à distance assumée (gros plans fuyants et rapides, constants champs-contrechamps, très courts) aboutit à des portraits et des scènes riches, certaines scènes de groupe visuellement sont "hardcore"mais sans pathos assez étonnant pour un film pareil. En gros, la vénus devient rat de laboratoire, la caméra scalpel. Pourtant la caméra est toujours collée à l'action, mais on n'a jamais le temps ou l'opportunité de sentir une empathie réelle, ça aussi ça me manque. On aurait pu faire le même film avec la femme à barbe ou les frères siamois, qu'est-ce-qu'elle a de plus? ni héroïne, ni intéressante, jouet des circonstances qui accepte son destin. Les autres, ceux qui jouissent de son calvaire ne sont même pas sadiques ou méchants, cela rend la situation insupportable et teintée de fatalité, misanthrope Kechiche? peut-être. En tout cas ce paradoxe entre mise à distance et exhibition comme on le verrait sous le chapiteau d'un musée de l'horreur rend le film intello et anecdotique. A trop s"adresser à ma tête, sans me laisser entrer dans la vie ou la tête de Saatjie, je deviens aussi voyeur que les autres, et j'attends impatiemment le moment où on montrera ce que tout le monde veut voir, ( sans oublier une légère érection à force de voir toutes ces chattes me passer sous le nez). Si acheter des êtres humains et les exhiber ça paraît normal, à quoi sert un tel film, je veut dire ici et maintenant? Arrive alors quelques moments de grâce, les seuls rares moments ou on fait réellement connaissance avec elle, et ou elle fait autre chose que boire. On conclut alors, c'est une artiste! et ses dons passeront par pertes et profits, mais là même le réalisateur n'y peut rien. A voir pour se faire une idée, ça reste un bon film, assez complexe, j'aime l'angle par lequel le sujet est abordé, mais le traitement me laisse dans le doute.