Quelqu'un pourrait-il dire à Abdellatif Kechiche que ses films gagneraient beaucoup à être moins longs ? Déjà, La graine et le mulet aurait été bien meilleur avec un scénario plus resserré. Mais que dire de Vénus noire, d'une durée de 2h40, dont certaines scènes répétitives auraient mérité d'être coupées.
Un film sur le voyeurisme, sur la curiosité malsaine vis à vis de la différence, davantage que sur le racisme ou le colonialisme, thèmes cependant bien présents. La meilleure part de Vénus noire est sa première heure, très prenante, en dépit de quelques longueurs. Place à la Vénus hottentote, livrée en pâture au public londonien, dans un spectacle destiné à flatter les bas instincts du peuple, entre fascination et répulsion. Une femme que Kechiche nous montre aussi hors de la scène et qui reste cependant mystérieuse. Pas question pour le metteur en scène de créer une forme d'empathie envers cette fausse monstresse. C'est son choix.
La suite est plus contestable, avec son exhibition dans les salons parisiens qui nous vaut des scènes insupportables, où le spectateur se retrouve malgré lui, à son tour, dans le rôle du voyeur. Désagréable. Hottentot à la pudeur ! La confrontation avec les scientifiques est, elle, cousue de fil blanc. Kechiche avait-il besoin d'en rajouter sur les préjugés des savants de l'époque, confits dans leur certitude quant à la suprématie de la race blanche ?
La Vénus prostituée intéresse beaucoup moins le réalisateur qui se contente de scènes cliniques et assez sordides, encore.
Le sujet de cette "Elephant Woman" était plus qu'intéressant. Il n'est hélas que traité à moitié, Kechiche privilégiant l'aspect social à l'humain. La grande absente du film, c'est bien la Vénus noire, Saartjie Baartman, dont Le moulage de plâtre et le squelette ont trôné au musée de l'Homme à Paris jusqu'en 1974. Ses restes ont été ensuite rendues à l'Afrique du Sud, qui leur a donné une sépulture. Ces moments sont montrés brièvement pendant le générique de fin. C'est, de loin, l'instant le plus émouvant de Vénus noire.