Que penser de ce film que je viens tout juste de voir ? Peut-on le détester ? non. Peut-on l’aimer ? Difficile. C’est vrai, voilà un film dérangeant. Un énorme pu à gratter. Au moins de ce côté-là, c’est réussi. C’est nettement plus insupportable qu’un film d’horreur, et nettement plus efficace. Parce que c’est une histoire vraie, parce que le réalisateur Abdellatif Kechiche nous raconte l’histoire vraie de Saartjie Baartman une histoire sans complaisance, crue, violente. C’est courageux, c’est un parti pris artistique qui se défend et honorable. Marre d’être lisse, d’être conventionnel, marre de faire semblant d’être anti-conformiste, d’être rentre-dedans. Abdellatif Kechiche nous propose sa vision qui n’est rien d’autre une vision infernale d’une Hottentote, artiste noire manipulée aux formes généreuses, artiste noire consentante aussi ! Et là encore, on ne sait plus quoi penser. Alors, on se contente de regarder les faits. Et cette démarche artistique nous laisse ou me laisse nécessairement à distance. Démarche artistique volontaire. Le réalisateur ne s’implique pas totalement. Il ne parle pas au nom de la femme Hottentote, il ne parle pas au nom de Caezar, ni au nom de Cuvier. Tous parlent et tous défendent leur point de vue. Et le pire, ça fonctionne ! Certains propos de Ceazar sont acceptables et rassurants ! Cuvier, pourquoi le condamner, pourquoi s’en offusquer ? Il suffit de replacer le contexte ! La science se développait et malheureusement elle raisonnait mal. Cuvier se trompait lamentablement. Il faut se projeter dans l’époque et comprendre ce qu’elle était, ce qu’elle dégageait, ce qu’elle découvrait. Nous ne devons pas raisonner XXIè siècle. Aussi étrange que cela puisse paraître, ce film ne me déclenche aucune empathie, seulement la gêne. Abdellatif Kechiche joue le rôle de Caezar, de Réaux, de Cuvier, et nous, spectateurs, ne sommes rien d’autres que des voyeurs ! C’est pourquoi, tout cela nous dérange. Et d’autant plus que l’on s’aperçoit que Saartjie participe au jeu et en souffre parallèlement. On ne sait plus quoi penser. Par trois fois, nous assistons au spectacle dans sa globalité. A Londres où j’ai ressenti assez vite que tout cela était joué, à Paris dans la Haute société où le nouveau jeu orchestré par Réaux me paraissait plus humiliant que celui sous la baguette de Ceazar, et enfin, le spectacle lors d’une soirée libertine où la descente vers l’enfer devenait de plus en plus insupportable. Et si Abdellatif Kechiche manipulait les spectateurs comme Caezar et Réaux ? Je ne suis pas loin de le penser. C’est pourquoi c’est réussi. L’émotion est venue pendant le générique, j’ignorai que Baartman avait été l’objet d’une restitution ! Elle a eu des obsèques dignes d’une star, ou d’un chef d’état. Je ne vois pas en quoi ce film est vulgaire, je ne vois pas en quoi ce film est dit sans intérêt. Il a sa place dans le cinéma. Il est tout de même étonnant que certains allocinautes s’indignent alors qu’il y a des tas de films insignifiants qui font l’apologie de l’horreur, qui font le soi-disant le buzz. Il y a comme un certain refus de la réalité crue. Un déni de la vérité filmée avec une froideur où n’y a aucun artifice, aucun fard. Tant mieux, si l’indignation est là ! C’est une qualité artistique. Pour moi, c’est le meilleur de Kechiche, c’est dire vu sa note !