Il faut salement morfler pour n’être absolument pas sûr d’accéder à ces fameuses cinq minutes de délivrance. Du cinéma qui passe directement par les pores de la peau : on sent le sang affluer et battre dans les tempes, les souffles s’accélérer, la transpiration perler, les pensées déborder, dérailler. Œuvre très forte, intense, surprenante (quel bonheur de n’avoir vu aucune bande annonce, de découvrir ce film en direct), qui a le cachet d'un exercice abouti et hautement maîtrisé de fin d'étude, parce qu'il s’autorise à se laisser être et avancer comme il l'entend, sans en rendre compte à rien d'autre qu'à son propre fondement, s'appuyant sur les performances juste exceptionnelles, de James Nesbitt en particulier, tout bonnement hallucinant en type complètement brisé et ravagé par 33 ans de ressentiment, de ressassement. Ambivalence aussi du personnage de Liam NEESON dont on ne saura qu'à la fin ce qu’il en est de sa sincérité. Deux personnages rongés jusqu'à l'os ; ça commence comme un film classique, milieu des années 70 en Irlande du Nord, climat de guerre civile, des jeunes gars dans une petite ville qui veulent en découdre, mais le sort personnel et individuel de ces deux types va basculer hors du destin collectif et national. "Retrouvailles" organisées et mises en scène par une équipe de journalistes à l’affût DU moment de vérité nue, crue, qui se dérobe. Durée des situations, puis décharge (Liam NEESON qui se précipite dans la pièce d’à côté pour observer James NESBITT, rougeaud et nerveux, par la fenêtre ; flashback de la scène d'exécution). On touche du doigt l’irréconciliable, l’ultime, l’impossible pardon, le lieu et la formule d’une rédemption arrachée.