Après le troublant mais intéressant "Boxing Helena", puis le bon et inquiétant "Surveillance", Jennifer Lynch revient derrière la caméra pour la troisième fois avec un projet surprenant, mais qui avait de quoi titiller la curiosité des amateurs de genre : un récit basé sur la célèbre légende indienne de la femme-serpent, entièrement tourné et produit en Inde…ainsi "Hisss" vit le jour. L’histoire ? Il est question ici de la déesse-serpent Nagin qui porte en elle le Naagmani, une pierre d'immortalité. Un homme atteint d'un cancer, décide de piéger l'amant de Nagin, un très grand serpent, afin de récupérer le fameux joyau. Pouvant se transformer en femme, Nagin part alors à la recherche de son amant, avec la ferme intention d’éliminer tous ceux qui se mettront au travers de son chemin…Si l'idée de base de "Hisss" ne manque pas d'intérêt, son traitement laisse totalement à désirer : loin de l’approche fine de ses précédents films, certains indulgents diront que Jennifer Lynch nous a pondu une série B de bas niveau, tandis que d’autres plus vindicatifs diront qu’elle nous a chié une putain de bobine Z nanardesque. J’avoue avoir été extrêmement déçu de la part de Miss Lynch ne serait-ce que par sa mise en scène (plutôt soignée d’habitude) qui ressemble plus à tous ces clips modernes sans saveur : utilisation abusive de ralentis, caméra speed et tremblotante façon Parkinson, surexposition vomitives d'images et plein d'autres tics visuels qui finissent par être fatigants et nous filer un bon mal de crâne. Pour couronner le tout, les effets spéciaux ne remontent pas le niveau car, même si certains maquillages sont plutôt réussis (notamment lors de la première mue de Nagin en femme : vraiment bien fait), les CGI sont assez dégueux : lorsque notre amie déesse sous forme humaine se transforme en cobra géant, c’est tout simplement ridicule. La synthèse est vraiment trop voyante sur l’image : on voit de suite ce qui est virtuel de ce qui est réel. Le top du top en matière de risibilité demeure tout de même le moment où elle gobe un homme entier comme le font les serpents : c’est trop moche et navrant. Pourtant, il y a de bonnes idées dans "Hisss" tout de même : la première transformation de Nagin, la scène où elle grimpe sensuellement un lampadaire puis, une fois arrivée au sommet, se met à pleurer son amour perdu, ou encore ce passage (plutôt osé, il faut l’avouer) où elle s'enlace avec son amant serpent et prend du plaisir dans une séquence à connotation sexuelle totalement assumée. Malheureusement pour nous, ces quelques minutes de poésie sont trop rares et se retrouvent vite éclipsées par d’autres séquences d'une totale inutilité comme le moment très « Bollywood » où l’on voit notre héroïne se mettre à danser avec des villageois, ou encore cette scène pathétique de course-poursuite entre Nagin et un charmeur de serpents. Autre loupé du film : si un côté « féministe » est assez évident avec cette femme-serpent qui s'en prend à des hommes méchants envers de pauvres femmes, l'approche qui en découle est plus que réductrice car elle pourrait se résumer tout simplement à « Tous les hommes sont des salauds ! ». Un peu archaïque, non ? Dans le même domaine, la mise en avant des difficultés pour le flic et sa femme d'avoir un enfant aurait pu amener une intéressante réflexion sur la maternité…malheureusement le sujet est à peine esquissé. Ce n’est pas non plus le casting qui va sauver le film du naufrage : si on tolère que Malika Sherawat s’en sort avec les honneurs dans le rôle de Nagin (et son superbe corps ainsi que le fait qu’elle ne parle pas du tout durant tout le film y sont pour beaucoup !!), le reste des protagonistes est d’une calamité affligeante, comme les deux étrangers qui agressent notre héroïne pendant la fête du village (putain, est-il réellement possible de surjouer plus que ça ?!!) ou encore cette insupportable belle-mère qui se comporte véritablement comme un gosse gâté (si c’était un élément comique du film, bin c’est totalement loupé !!). Même Irrfan Khan dans le rôle du policier est totalement transparent alors que, en temps normal, il s’agit plutôt d’un bon comédien ("The Warrior", "Un Nom pour un Autre", "Slumdog Millionaire", "Billu Barber", "L' Odyssée de Pi"). Récemment, Jennifer Lynch a avoué qu’elle reniait complètement "Hisss" car les producteurs l’auraient « remerciée » lors de la post-production. Voilà qui pourrait expliquer un montage aussi apocalyptique et comment un film d'ambiance doublée d’une romance peut basculer ainsi en une minable série Z d'horreur.
Malgré qu’il ait rencontré un certain succès en Inde (et quand on regarde leur industrie cinématographique locale, on peut le comprendre un peu), "Hisss" est une véritable catastrophe que se soit au niveau de sa réalisation, des ses effets spéciaux, de ses choix narratifs et de son casting. Avec un meilleur traitement du mythe de la femme-serpent, cela aurait pu donner un excellent film. Je suis extrêmement déçu et ça me chagrine beaucoup pour Jennifer Lynch car j’ai peur qu’elle revive le même calvaire qu’après "Boxing Helena"…en espérant tout de même qu’elle se ressaisira et qu’il ne s’agit pas là de la fin de sa carrière.