Christine, la trentaine, atteinte depuis longtemps par la sclérose en plaques, a coutume de fréquenter les grands pèlerinages sous la houlette des Oeuvres Hospitalières de l'Ordre de Malte - son fauteuil roulant l'a conduite cette fois-ci à Lourdes, séjour qu'elle trouve d'emblée "moins culturel" que Rome par exemple. Cependant sa vie sera bouleversée dans la cité mariale, car elle va y recouvrer la validité. Le film de l'autrichienne Jessica Hausner est d'une grande intelligence, qui dénonce sans aucune charge militante les excès de cette ville qui ne vit que par le "tourisme" de pèlerinage, avec ses marchands du Temple installés à tous les coins de rue, et qui expose avec une froide méthode documentaire le déroulé d'un séjour placé sous le signe d'un espoir démesuré pour tous les malades dont Christine devient l'emblématique (et vite jalousée) "miraculée". Tout est montré dans cette exposition "miraculeuse", par touches successives et neutres, et rien n’est démontré, c'est donc au spectateur à se faire une opinion... Toutes les réactions sont ainsi possibles : empathie, fascination mystique, scepticisme (l'Eglise elle-même étant très prudente avec son "Bureau des constatations médicales" qui applique une procédure rigoureuse), voire révolte ("Dieu est-il tout-puissant, ou est-il bon ?" est-il rappelé, avec toute la mesure de la grâce et tout le poids de l'injustice à la clé - pourquoi Christine, à la foi apparemment légère, et pas tel (le) autre, plus croyant (e) ?). Rythme volontairement lent (on suit la chronologie du "miracle" en temps réel - celui du séjour lourdais), actions et décors minimalistes : rites en forme de redites (la grotte, les "piscines", la basilique comme "extérieurs" et le foyer sinistre où sont logés les pèlerins, avec la caméra qui s'attarde impitoyablement au réfectoire - premières et dernières images, quand il est transformé en salle de bal pour la surréaliste remise du trophée du "Pèlerin de l'année") cela crée une atmosphère étrange, quasi hypnotique : au résultat une vraie réussite, un film passionnant sur l'étude de l'âme humaine. Sylvie Testud est à son habitude excellente, et l'on retiendra aussi la prestation d'Elina Löwensohn qui campe le personnage très tourmenté de Cécile.