Un film magistral, qui revu en 2016, garde toute sa force et son originalité. Il s’agit au départ d’une « simple histoire d’amour », d’un « love at first sight », comme le dit d’entrée le héros, le jeune Stefan. Dès qu’il voit Estelle lors d ‘une soirée hippie , « branchée 70’s» , enfumée, à Paris, il tombe éperdument amoureux. Mais, comme dans « Maîtresse », où un histoire d’amour se déroulait dans le milieu complètement atypique du SM , Schroeder , transpose cette histoire « romantique » dans le milieu hippie naissant ,de la fin des années 60. Le film très ambitieux, inégalé, devient alors la description clinique de la tombée dans la drogue, petit à petit et de la confusion des genres entre « liberté », Flower Power, et addiction. Comme pour « Maitresse » la force de Schroeder est de n’être ni moralisateur, ni juge, ni parti. Il montre le pourquoi, le comment et l’acte en lui même. Le rituel du fixe, les fameux trips du LSD, ( la montée mais aussi la descente ), la rêverie collective, le bien être suivi par le malaise et la crise d’angoisse. Tout est montré de manière complètement exhaustive. Mais le film aborde aussi l’angle du « Business » , puisque l’on voit qui organise le trafic sur l’île d’ Ibiza et s’en met plein les poches ( cet allemand ,mentor de Estelle , ex nazi ?). Schroeder n’est pas naïf, et sait bien que tout a une explication et que tout se transforme.. ll y a aussi une analyse profonde de l’amour, cette philosophie Hippie encourage l‘amour libre , mais est-ce tenable ? Estelle est attiré par son mentor. Et Stefan se délecte d’une partie à trois, très joliment filmée d’ailleurs très sensuelle. Peuvent-ils s ‘en relever ? La question de fonds étant : peut-on se mettre à l’écart de la société ? Schroeder est magistral, il livre un chef d’œuvre, dont le style est aussi détonnant, des plans magnifiques, des cadrages, hors pair, des couleurs utilisant toute la palette de la lumière d’ Ibiza, l’ hiver gris et terne, ou l’ été au bleu intense et au jaune brulant , avec un contraste incroyable. Des plans fixes cultes, parmi les plus beaux de l’histoire du cinéma : le trip LSD sur le bord de la falaise, les couchers de soleil. La charge du moulin à vent par Stephan, magnifique clin d’œil à Cervantès. Finalement les hallucinations de Don Quichotte ne sont pas loin de celles du jeune couple en particulier, et des hippies en général . Bien sûr la bande son des Pink Floyd est un must, qui accompagne tout le film, lancinante et envoutante. Les deux acteurs sont brillants, le jeune et beau Klaus Grunberg est très bon, mais ne fera pas une grosse carrière, et la belle Mismy Framer, au visage de madone angélique et au physique tellement 70’s, fera une carrière mitigée, avec des rôles au profil trop marqués, pour continuer finalement une carrière de décoratrice dans le théâtre. A noter des très bons seconds rôles : Michel Chanderli, le copain parisien, ou Engelman, le « méchant » allemand, parfait et terrorisant . La réalisation est brillante et le scénario sans temps mort. Un film culte qui marqua l’historie du cinéma et n’a pas vieillit du tout.