En 1995, après 6 années d’imbroglios juridiques, James Bond semble être une saga achevée. Pourtant, ne voulant pas lâcher la poule aux œufs d’or, la EON Production décide qu’il en est autrement. Le célèbre agent va donc revenir avec un nouveau visage : celui de Pierce Brosnan. Michael G. Wilson et Barbara Broccoli (respectivement le beau-fils et la fille d’Albert Broccoli qui avait produit les précédents épisodes et qui mourra un an plus tard) doivent également faire face à la chute du bloc soviétique alors que la Guerre froide avait marqué bon nombre d’aventures de 007.
Au lieu d’éluder cet aspect, ils décident de l’affronter en plaçant ce changement géopolitique au centre du nouveau Bond : Goldeneye.
La séquence pré-générique se situe ainsi dans les dernières années de la Guerre froide, le générique joue avec toute l’imagerie communiste (la fossile, le marteau…), l’intrigue situe une partie de son action en Russie, le méchant emploie des anciens agents soviétiques pour arriver à ses fins…
Dans ce nouveau monde, James Bond semble un peu anachronique et le film joue intelligemment avec cela dans l’habituelle séquence avec M. Ce poste est désormais tenu par une femme (incarnée par Judi Dench qui marqua totalement de son empreinte ce rôle jusqu’ici si traditionaliste) et celle-ci possède un mépris visible envers un 007 qui ne la porte guère dans son cœur également : elle le considère comme "un dinosaure sexiste, misogyne… une relique de la Guerre froide". Même la non moins célèbre Miss Moneypenny n’est plus aussi sensible à ses charmes et évoque même une attitude proche du harcèlement sexuel !
Toutefois, Bond reste Bond ! Et si certaines allusions cherchent à humaniser le personnage (M qui demande à Bond de revenir vivant ; Alec qui évoque la mort des parents de Bond dans un accident d’escalade, élément biographique qui sera réutilisé avec une plus grande importance dans l’ère Daniel Craig…), celui-ci possède toujours une capacité exceptionnelle à se retrouver au milieu de scènes d’action toujours plus gigantesques
(la course-poursuite avec le tank)
quitte à frôler le ridicule
(le saut en moto et la montée dans l’avion à la fin de la séquence pré-générique alors que celle-ci débutait de façon très sérieuse ; la course-poursuite entre Bond et Xenia Onatopp suivant le générique, qui semble avoir inspiré celle entre Tom Cruise et Thandie Newton dans Mission : Impossible II, est proche du grotesque…)
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Certains aspects scénaristiques sont donc peu crédibles.
On ne comprend ainsi pas pourquoi Xenia cherche à défier Bond dès le début de l’histoire alors que celui-ci ne la connaît pas et ne soupçonne aucunement les projets de cette bande terroriste.
Ce personnage de Xenia est d’ailleurs assez caricatural dans son aspect sado-masochiste.
On se demande également pourquoi Alec cherche un moyen aussi compliqué pour se débarrasser de Bond et Natalya que de les mettre dans l’hélicoptère Tigre qu’il a volé et les tuer avec des missiles tirés par cet engin si précieux lui-même alors que Bond a été endormi et Natalya arrêtée : il aurait été beaucoup plus simple de les exécuter d'une balle dans la tête !!!
Enfin, la visite chez Q pousse un peu trop dans le comique grotesque (même si cette dimension a toujours été un peu présente dans cette séquence traditionnelle) alors que l’ensemble reste globalement assez sérieux.
Heureusement, cela est compensé par une intrigue assez prenante bourrée de scènes d’action, multipliant les références (que ce soit à des précédentes aventures de 007 comme Goldfinger et surtout Au service secret de sa Majesté ou à des films extérieurs à cet univers comme L’Empire contre-attaque ou Apocalypse now) et faisant voyager notre héros aux quatre coins de la planère (France, Monaco, Russie, Cuba…).
Pierce Brosnan réussit également à un incarner un Bond convaincant en associant la classe de Sean Connery, l’humour de Roger Moore et le talent pour l’action de Timothy Dalton.
Pour ce qui est des aspects techniques, Martin Campbell signe une réalisation très efficace, même si on peut lui préférer de loin sa seconde incursion dans l’univers (le magnifique Casino royale), et est aussi à l’aise dans les scènes d’action que dans les séquences de discussions (une fois de plus, l’excellente confrontation entre M et 007) et la photographie de Phil Meheux est superbe.
Pour ce qui est de la bande originale, la situation est plus complexe. En effet, la chanson illustrant le splendide générique est tout bonnement une des meilleures de la saga. Signée par Bono et The Edge de U2, elle est interprétée par ce monstre sacré qu’est Tina Turner et nous fait regretter que cette dernière n’ait pas, à l’image de Shirley Bassey, contribué à plusieurs reprises à la saga. Pour ce qui est de la musique, celle-ci est signée par Éric Serra et est beaucoup plus contestable. Si la majorité du temps, elle respecte plutôt bien l’ambiance du film, il lui arrive parfois de correspondre plus au style de son compositeur et cela pose problème car celui-ci fonctionne avec l’univers de Luc Besson mais est assez inapproprié pour un James Bond au point de nous faire demander si nous sommes réellement dans une aventure de 007. Il suffit de comparer le titre The Experience of love qui conclut le film avec le Goldeneye de Tina Turner : si le premier est tombé dans l’oubli, le second reste gravé dans toutes les mémoires !
Au final, si le film souffre d’un choix de compositeur contestable et de certains aspects trop exagérés, Goldeneye reste un retour assez réussi de la franchise James Bond dans un monde totalement changé alors qu’on pouvait la croire terminée et d’un bon point de départ pour la période Pierce Brosnan. Hélas, si ce dernier possédait tous les atouts pour incarner James Bond, les films qui le mettront en tête d’affiche auront tendance à être un peu décevants, faisant peut-être de Goldeneye le meilleur volet de son ère.