Dans une série qui voit le changement de visage de son héros comme le ravalement de façade à opérer selon les mœurs de l'époque, le premier film du "nouvel âge" est toujours scruté avec soin.
À ce titre, GoldenEye n'est pas un James Bond comme les autres, puisqu'il est le premier volet post-Guerre Froide. La dernière apparition du commander, Permis de Tuer (sous les traits de Timothy Dalton), précédait la chute du mur de Berlin en 1989 et elle avait pas mal désarçonné par son côté actioner décomplexé, très Arme Fatale (Michael Kamen à la bande originale, pas innocent).
Conscient du hiatus de 6 ans qui le sépare de son prédécesseur, le film de Martin Campbell en fait un élément central du récit. Le scénario joue habilement avec l'idée d'un 007 désorienté par une époque sans ennemi identifié. Lessivé par la Guerre Froide qui l'a laissé mortifié, le personnage a toujours la langue bien pendue, le silencieux bien en main, mais son regard trahit une certaine amertume. Un angle plutôt fédérateur, puisqu'il conserve une gravité héritée de l'ère-Dalton et retrouve l'aspect mâle alpha typique de la période Sean Connery. Pierce Brosnan prend ses marques avec plaisir, dans un numéro alliant force tranquille, humour piquant et sensibilité. Très belle entrée en la matière.
Même quand GoldenEye retrouve des chemins plus communs, la générosité dans le spectacle fait passer l'éponge sur les quelques réserves (la BO d'Éric Serra, en mode mineur). Martin Campbell parvient à emballer un paquet de plans iconiques, et de séquences à ranger parmi les plus jouissives de la franchise : le saut à l'élastique inaugural, la poursuite en char, le final sur l'antenne. Le film gagne aussi beaucoup de points lors d'une poignée de scènes dialoguées, où Bond se fait mettre à l'amende par différents personnages féminins. Parmi les moments les plus mémorables, il y a cette joute verbale où la nouvelle M (Judi Dench, impériale) pile la ruine macho Bond. Ajoutons également le passage où Natalya (Bond Girl du jour) raille son attitude infantile. Et SURTOUT les confrontations avec Xenia Onatopp (Famke Janssen, inoubliable), d'une délectable perversité. On s'amuse beaucoup à regarder le roc flegmatique se faire tailler, puisque le but est de le rebâtir loin de son côté anachronique. Ça fonctionne très bien. C'est sûr que son duel avec un ancien frère d'armes pourrait légitimement sembler désuet en parallèle. Mais non, la rivalité mortelle est brillamment entretenue par un Sean Bean majestueux. Je ne peux m'empêcher de glisser une mention pour l'ami Boris ou Q, qui assurent pas mal au rayon humour.
GoldenEye est une pure réussite, parce qu'il parvient à établir un savant dosage de neuf et de vieux, ce qui lui offre un charme intemporel. Un des meilleurs de la saga à mes yeux.
P.S : Puis bon, comment ne pas aimer un film ayant permis de livrer l'un des meilleurs FPS sur la Nintendo 64 ?