Le film est une adaptation du roman de Doris Lessing (lauréate du prix Nobel de la littérature), "Les grand-mères". Lorsque le producteur Dominique Besnehard lui a fait découvrir le livre, Anne Fontaine a immédiatement été conquise par le quatuor néo-incestueux que formaient Lil, Roz et leurs fils. La cinéaste y a vu une opportunité de dépasser le thème de triangulation si commun à ses précédents films (Nettoyage à sec, Nathalie...). Fontaine a également tenu à diminuer l'âge des protagonistes principales, évinçant de son récit les petits-enfants qu'elles avaient dans le roman.
Lorsque son projet de film n'en était qu'à ses premiers balbutiements, Anne Fontaine s'est rendue à Londres pour y rencontrer Doris Lessing, auteur du roman original. Une fois là-bas, cette dernière lui a expliqué que son inspiration tenait d'une histoire qu'un jeune Australien saoul lui avait racontée dans l'obscurité d'un bar. Ami des héros, il avait vécu en témoin extérieur l'histoire d'amour de ses deux amis avec leurs mères respectives. Les deux femmes avaient grandi ensemble dans un rapport quasi-homosexuel, et avaient ensuite poursuivi ce rapport avec leurs fils. Le jeune Australien, bien loin d'être écœuré, éprouvait une jalousie terrible à l'égard de ses deux amis, car il jugeait leurs relations idylliques. Anne Fontaine a souhaité que chacun des spectateurs se retrouve à la place du jeune Australien : suffisamment envoûté par l’histoire pour transcender le point de vue moral.
Il s'agit de la seconde collaboration entre Anne Fontaine et Christopher Hampton, avec qui elle cosigne le scénario de Perfect Mothers. La cinéaste et le scénariste avaient déjà travaillé ensemble pour Coco avant Chanel, en 2009.
En plus de retrouver Christopher Hampton, Anne Fontaine a également engagé, pour la seconde fois après Coco avant Chanel, le directeur de la photographie Christophe Beaucarne. Un mariage, selon elle, qui a tout de libérateur : "Christophe privilégie toujours le sens du film et du récit par rapport à toute autre considération. Et le talent qui est le sien en lumière naturelle était particulièrement précieux dans nos conditions de tournage, où même la plupart de nos intérieurs communiquaient avec l’extérieur, la mer, le soleil..."
L'Australie, ses plages longilignes, son soleil brûlant, sa végétation luxuriante. Pour Anne Fontaine, c'était l'endroit rêvé où implanter son récit. Aussi parce que ce pays évoque un sentiment intemporel et universel : "On ne sait jamais très bien où on est, ni à quelle époque", explique la réalisatrice. Il était évidemment crucial que la nature dans laquelle évoluaient les personnages participe à leur sensualité.
En pleine rédaction du scénario, Anne Fontaine s'est vite rendue compte que le film ne fonctionnerait pas en français, et ce pour plusieurs raisons : elle souhaitait que l'attirance des quatre protagonistes soit magnifiée par un cadre d'une beauté éclatante, un paradis perdu qu'on ne trouve pas à Belle Île ou à Biarritz, et elle n'avait aucune actrice française en tête capable de véhiculer la sensualité des deux personnages féminins. De plus, écrire en français signifiait pour elle se complaire dans une psychologie moralisatrice qu'il fallait éviter à tout prix pour cette histoire. C'est lorsqu'on lui a suggéré de tourner le film en anglais qu'elle a compris qu'elle tenait là la solution parfaite. Elle a alors réécrit le scénario et tourné le film en anglais, le premier de toute sa carrière.
Lorsque le moment de devoir choisir les actrices s'est imposé à Anne Fontaine, elle a immédiatement pensé qu'il lui fallait créer un couple, qu’il y ait une gémellité entre les deux femmes quoique très différentes. Elles ne devaient pas être trop vieilles, pour que l'histoire ne tourne pas au sordide, et toujours très belles. Naomi Watts a immédiatement été emballée par la perspective de travailler avec Anne Fontaine, qu'elle connaissait au travers d'Isabelle Huppert. Robin Wright, elle, a été conseillée à la cinéaste par Julianne Moore. Anne Fontaine a mis plus de temps à se décider de l'engager, car elle craignait que son habitude à jouer les victimes rende son personnage plus mélancolique que ne l'est Roz. Ce fut le casting le plus long et le plus difficile qu'Anne Fontaine ait jamais fait.
Le casting des deux jeunes hommes - James Frecheville et Xavier Samuel - a lui aussi été particulièrement contraignant. Il fallait trouver des acteurs ayant hérité de l'aura physique de leurs "mères". Ils devaient avoir une présence singulière, et exercer une sorte de fascination immédiate sur le spectateur. De plus, comme l'explique la réalisatrice : "La transgression centrale du récit se nourrit de l’effet de « miroir filial » : Roz cède à Ian parce que, entre autres raisons, celui-ci ressemble à Lil, parce qu’il est beau et attirant comme elle. Idem pour l’autre couple..."
S'il s'agit du deuxième grand rôle marquant de l'Australien James Frecheville après le très bon polar Animal Kingdom, Xavier Samuel avait déjà fait ses armes dans l'excellent 2h37, le controversé Anonymous, et était surtout connu pour son rôle du vampire Riley Biers dans les second et troisième opus de la lucrative saga Twilight.
A l'origine, Anne Fontaine souhaitait confier l'un des deux rôles féminins à son amie Julianne Moore (qui joue par ailleurs dans Chloe, le remake américain de Nathalie...), mais celle-ci a finalement dû se retirer du projet et laisser sa place à Robin Wright.
Les marques de vieillesse sur le visage des actrices n'ont pas été rajoutées à l'aide d'effets spéciaux, mais dessinées avec du simple maquillage, aussi léger et naturel que possible. La cinéaste a particulièrement insisté pour que les visages restent vrais.
Fait devenu extrêmement rare, Perfect Mothers est l'un des derniers films tourné en 35mm format scope.
Perfect Mothers a fait sensation au festival de Sundance, où il était présenté hors compétition, mais pas tout à fait dans le sens où on pourrait l'entendre : un groupe conservateur du nom de Sutherland Institute a exigé que le budget alloué au festival pour le gouvernement soit réduit s'il se bornait à présenter des films moralement douteux, et en contradiction avec les valeurs familiales de l'Utah. Les films concernés ? Perfect Mothers, mais également Lovelace, un biopic sur la fameuse actrice du film pornographique Gorge profonde, incarnée par Amanda Seyfried, et Don Jon's Addiction, la première réalisation de Joseph Gordon-Levitt sur un Dom Juan des temps modernes obsédé par les films X.
Anne Fontaine a choisi de ne pas respecter la fin de l'histoire, telle que l'avait imaginée Doris Lessing. Dans le roman, longtemps après le début des liaisons croisées entre mères et fils, les belles-filles de Lil et Roz découvraient des lettres de leurs maris adressées à leurs maitresses... et puis quoi ? La réalisatrice trouvait crucial de "casser le dispositif de la symétrie entre couples, et de laisser les choses ouvertes". Elle voulait absolument garder la suprématie du quatuor, quitte à changer du tout au tout le dénouement de l'histoire.
Séduite par son expérience filmique en Australie (uniquement en anglais) et impressionnée par la dévotion que confère les acteurs anglophones à leurs rôles, Anne Fontaine tournera son prochain film, "Gemma Bovery" (d’après la BD de Posy Simmonds) en français et en anglais.