L'Autre Dumas est avant tout une adaptation de la pièce de théâtre "Signé Dumas", écrite par Cyril Gely et Eric Rouquette et jouée en 2003, mise en scène par Jean-Luc Tardieu. Chargé d'écrire une adaptation de la pièce pour le cinéma, Gilles Taurand a alors présenté son scénario aux producteurs Frank Le Wita et Marc de Bayser. Séduits, ces derniers ont proposé à Safy Nebbou de réaliser le film. Ce dernier explique : "La substitution d'identité, le nègre qui se prend pour l'écrivain, me semblait une très belle idée, avec un vrai potentiel de comédie, mais aussi de tragédie. Mon envie de collaborer avec Gilles Taurand depuis très longtemps a fait le reste. Je n'ai d'ailleurs pas voulu lire la pièce de théâtre et nous avons avancé à partir de son adaptation. Il y a eu entre nous comme une évidence. Nous avons travaillé avec beaucoup de plaisir et de liberté sur la structure du film".
Safy Nebbou évoque sa perception des deux personnages du film : "L'un, Maquet, a tout du gratte-papier laborieux et besogneux, il se consume de l'intérieur. L'autre, Dumas, a le génie de mettre en place ses textes et ses idées, il crée avec facilité et dans le plaisir, comme le montre la scène où ses feuillets s'envolent dans les dunes. Comment vit-on dans l'ombre d'un grand homme ? Comment fait-on pour trouver sa place ? Le drame intime de Maquet c'est son admiration sans bornes pour Dumas et chacun sait que l'admiration, quand elle va jusqu'au mimétisme, jusqu'à la perte de soi, est un mélange explosif d'amour et de haine. Il ne va d'ailleurs pas signer de contrat d'auteur et n'arrivera jamais à démontrer réellement le rôle qu'il a tenu auprès du maître. J'aime à penser qu'il s'est passé quelque chose de fort entre ces deux-là,comme le fera remarquer Dumas-fils à son père, dès que le succès finira par se dérober. Auguste Maquet est une force créatrice pour Alexandre Dumas. Sans lui il désespère et n'arrive plus à écrire, comme dans cette scène où Maquet a disparu depuis trois jours et où Dumas fait le constat de son impuissance. Le génie foisonnant de Dumas a besoin de la rigueur méthodique de Maquet".
Faute d'un budget suffisamment élevé, L'autre Dumas a été tourné en extérieur. Une contrainte qui s'est finalement révélée être un atout, selon Safy Nebbou, qui s'estime peu à l'aise dans les tournages en studio : "nous avons trouvé une liberté à travers les contraintes qu'au fond, j'adore. Et puis,avec Cyril Gomez-Mathieu, le décorateur et conseiller artistique, nous avons surtout cherché la bonne distance du décor, celle qui doit nous communiquer une sensation, une humeur et qui privilégie les circulations et les profondeurs de champ. La présence des animaux exotiques tente de donner une dimension féerique et décalée à l'univers de Dumas en apportant une fantaisie, qui tranche avec le milieu un peu austère de Maquet".
La collaboration entre Auguste Maquet et Alexandre Dumas va s'échelonner de 1844 à 1851 et donner lieu à la parution de dix-sept romans parmi lesquels Les Trois mousquetaires, Le Comte de Monte Cristo, La Reine Margot, Le Vicomte de Bragelonne, Joseph Balsamo, Ange Pitou... Des chefs d'oeuvre tous signés de la main d'Alexandre Dumas dont Maquet, lors d'un procès qui aura lieu en 1858, revendiquera la paternité. Si le tribunal lui accorda 25% des droits d'auteur, il lui refusa en revanche la co-signature.
C'est une petite et savoureuse ironie de l'Histoire. Alors qu'Alexandre Dumas et Auguste Maquet ont travaillé ensemble pendant de nombreuses années, leurs destins Post-Mortem ne fut pas tout à fait le même. Auguste Maquet est enterré au cimetierre du Père-Lachaise, 54e division, chemin Montlouis. Sur sa pierre tombale, on peut lire : Les trois Mousquetaires, Le Comte de Monte-Cristo et "La reine Margot, comment si la paternité de ces trois oeuvres lui étaient attribuées, et non pas à Alexandre Dumas père. Quant à ce dernier, il repose au Panthéon depuis le 30 novembre 2002, célébrant également le bicentenaire de sa naissance. D'une certaine manière, même dans la mort, Maquet reste dans l'ombre du maître...
L'un des "pièges" dans lequel Safy Nebbou voulait ne pas tomber était de ne pas sombrer dans la reconstitution de l'époque et les codes du film en costumes. "Je me suis dit qu'il fallait filmer cette histoire comme si elle se passait de nos jours. J'avoue que je craignais un peu l'académisme qui colle à la peau de ce "genre" explique le cinéaste; qui ajoute : "j'ai tenté de m'en éloigner le plus possible en me faisant un petit cahier des charges : filmer le plus souvent à l'épaule en mouvement avec les personnages, éviter les plans larges de situation, pas de plans de grue, peu de plans de face, peu de champs contre champs, découper énormément pour recréer une dynamique au montage, demander aux acteurs de ne pas "jouer" l'époque, etc..."
Safy Nebbou s'est inspiré de plusieurs sources et univers artistiques pour bâtir l'univers de L'autre Dumas. Il s'est d'abord et avant tout inspiré, selon ses propres termes, du cinéma anglo-saxon : Les Liaisons dangereuses, le chef-d'oeuvre de Stephen Frears; Le Temps de l'innocence de Martin Scorsese, ainsi que la mini-série britannique Elizabeth I réalisée par Tom Hooper en 2005, qui retrace la vie privée de la reine d'Angleterre Elisabeth I. Du côté des influences françaises, il faut chercher "des films qui ont dépassés l'époque" explique le cinéaste : La Reine Margot de Patrice Chéreau ou Saint-Cyr de Patricia Mazuy. Du côté de la peinture, Safy Nebbou revendique une influence importante des peintres Vermeer, Delacroix, Rembrandt...Sans oublier pour finir de nombreuses biographies historiques consacrées à Alexandre Dumas Père, dont celle écrite par l'historien Henri Troyat.
On pourrait presque parler d'une véritable histoire d'amour entre Gérard Depardieu et Alexandre Dumas père. Après avoir interprété le personnage de Porthos dans L'Homme au masque de fer et surtout le Comte de Monte-Cristo dans la mini-série éponyme signée par Josée Dayan, l'acteur retrouve pour la troisième fois l'immense écrivain.