Mocky aurait écrit ce film qu'il se serait souvenu de son titre fard "Noir comme le Souvenir". Car tout est noir ici. La nuit est épaisse, l'or sent mauvais, le Havre est parcourue de baraques malheureuses où la pauvreté côtoie le désespoir, la drogue circule, et même les grandes maisons bourgeoises, dramatiquement vides, respirent l'effroi. Gela Babluani ne nous a pas habitué à un cinéma gai. D'origine géorgienne, il ne fait pas dans la nuance pour raconter la mafia de l'Est, les parcours migratoires où l'on renonce à soi-même, à ses idéaux et à sa culture. Même le jeune Danis, qui semble pourtant le moins abimé, avec son air juvénile et ses cheveux hirsutes, ne peut pas échapper au déterminisme macabre qui hante les vies ici. Avec ses presque amis, Alex et Eric, il commet la pire des bêtises que de s'attaquer à la valise remplie d'argent d'un secrétaire d'état corrompu, en passe de se suicider dans sa demeure immense. Ce qui est certain, c'est que les acteurs ne font pas dans la dentelle. Vincent Rottiers, de plus en plus présent au cinéma pour notre plus grand plaisir, s'implique corps et âme dans cette histoire de meurtres, de vols et de corruption. Mais hélas le scénario n'est pas à la hauteur des ambitions du réalisateur. Là où un Hitchcock excelle dans la mise en scène de l'emballement narratif et de l'engrenage, le film se perd dans une série de quiproquos totalement invraisemblables. Le risible l'emporte sur les effets dramatiques voulus par le réalisateur, tant les situations flirtent avec le grotesque et l'absurde, au point d'ailleurs qu'on ne finit par ne plus voir que les défauts de mise en scène et les erreurs du scénario. Pourtant, la participation intense d'une Anouk Grinberg ou d'un Benoit Magimel, trop rares sur le grand écran, aurait pu sauver ce film de ses errements narratifs.