Un film étrange, car le scénario est bien léger, sur un thème très classique déjà vu, un coup de foudre ente deux individus très différents. Le début du film est long et très lent, sur un rythme lancinant. Beaucoup de plans fixes très lent, où il ne se passe pas grand chose, on s’inquiète, (on apprend, par exemple, le montage d’un mur de parpaings, en maçonnerie, pendant de longues minutes). Et puis le jeu des acteurs prend le dessus, on sort d’un naturalisme risqué et ennuyeux pour aller vers une sorte de tragédie antique. Lindon et Kiberlain, nous embarquent, ce n ’est plus une petite amourette à laquelle nous assistons, mais à un tragédie grecque. Leur visage sont incroyable d’expression, avec Kiberlain qui « torture » son visage, ses expressions, c’est bien elle, et en même temps c’est une autre, on ne la reconnaît pas. Son visage nous mîmes son bonheur, son attente, sa déception, son indifférence. Et Lindon se transcende à nouveau, comme souvent, tout en intériorité. Cet amour impossible, est magnifié par la direction d’acteurs. La meilleure illustration est la scène de leur premier baiser, sur fond de musique classique au violon. Un plan fixe sur leurs deux visages, de plusieurs minutes ; sans paroles, ils se découvrent, ils se câlinent , puis se donnent ce baiser furtif, en accompagnement de la musique, dans son rythme, comme un baiser volé, qui n’ a pas vraiment existé, comme le temps d’un allegro vivace. Comme la scène finale, elle aussi superbe, où les deux héros sont à la gare, elle part mais l’attend quand même sur le quai, lui est juste en dessous dans le couloir d’accès, elle espère encore, lui s’arrête, il ne va pas gravir les quelques escaliers qui l’amèneraient à elle, elle regarde le bout du quai et attend jusqu’à la dernière minute. Lui aussi regarde le ciel en haut de l’escalier. Le temps est figé, sans parole, les plans sont fixes, silencieux. Le dénouement est proche. Un beau film fort, profond, pour lequel il faut s’acclimater, passer la 1ere demi-heure, et découvrir lentement la profondeur des êtres, et l’émergence des âmes cachées.