Après « Shaun Of The Dead » et « Hot Fuzz », Edgar Wright s’attaque à une adaptation d’un comic book, très apprécié pour son iconographie. Le matériel du réalisateur s’appuie alors sur des effets rythmiques afin de rebondir sur son sujet, pourtant recyclé tant de fois. Il y a un ensemble à encadrer et il le sait, nous l’avons vu faire auparavant. Pour lui, l’image ne colle que si musique adaptée il y a, et la musique porte un propos que si la gestuelle des acteurs permet cette connexion qui relie le tout en un plan. Il faut toujours du mouvement pour garder un esprit éveillé, c’est pourquoi ce genre de divertissement atteint davantage un jeune public qui a grandi aux côtés d’une culture du numérique, tout comme le réalisateur qui en tombe amoureux, jusqu’à personnifier cette notion dans ses œuvres.
La mise en scène est évidemment le point fort de cette œuvre qui mise tout dessus. Le récit a beau banaliser son travail de fond il y met de la forme dans un élan de générosité. Dans une sorte de réalité augmentée, Scott Pilgrim (Michael Cera) nous plonge dans son quotidien très pauvre en réussite. Lorsqu’il entreprend de séduire une écolière, son entourage, à savoir sa sœur et les membres de son groupe de métal, s’allie contre ce changement et l’empêche de s’envoler de lui-même. La rupture va donc de paire avec le défi qu’on lui assigne par principe. Vaincre les sept ex-maléfiques de Ramona Victoria Flowers (Mary Elizabeth Winstead) lui permettra un tremplin dans sa vie. Il le sait et doit saisir l’opportunité tout en risquant sa vie. Mais l’enjeu est plutôt moindre au fur et à mesure qu’on l’on avance.
La rencontre de chaque ex se solde par bien des victoires, mais ce challenge peut nous sortir du contexte à force de tirer sur des clichés et des gimmicks peu pertinents. Seule la prouesse visuelle vaut le détour, car les transitions parviennent à capter un meilleur visionnage, détournant notre divertissement sur les principaux affrontements. A l’aide de différentes incrustations digne de comics, bande-dessinées ou jeux vidéo, l’action est plus que jamais l’élément central qui substitue l’effet de surprise. Le montage en lui-même déconstruit la narration mais porte tout le fardeau du héros dans une quête surnaturelle. En revanche, ce que chaque apparition induit, c’est un passé qu’il est important de contourner pour mieux vivre dans l’avenir. Si Wright utilise une démarche plutôt agressive, valorisant davantage des artifices explosifs comme métaphore, et il s’engouffre dans un tourbillon de redondances mal négociées, contrairement à sa saga Cornetto.
Le héros poursuit ainsi une quête où il devra surpasser son statut de loser, de nerd et d’égocentrique. Le scénario maquille habilement son ascension vers une maturité qui est difficile à atteindre, surtout dans la situation désespérée dans laquelle il se trouve, et son colocataire ne manquera pas de nous le rappeler, pour le meilleur et pour le pire. Il est d’ailleurs compliqué de s’identifier dans ce film, multipliant les références et négligeant son agent de liaison, à savoir Ramona, dont on connait que très peu de choses sur les valeurs qu’elle reflète. On ressent alors comme un sentiment d’inaboutissement que « Scott Pilgrim vs. the World » noiera dans un flot d’effets visuels tous aussi amusants que pertinent dans le discours.